mardi 9 avril 2013

Acte IV: d'un remboursement d'une dette de sang

Mars 1194

Intermède [Sergeï]: De retour de son expérience mortelle sur les terres Arpad, Sergeï est convoqué par le Voïvode Vladimir Rustovitch pour effectuer un compte-rendu complet de la destruction de Dame Sigrid Arpad. Il en apprend plus sur le Clan Tzimisce auquel appartient son maître, et sa famille, les Bessarab, sur la guerre millénaire qu'ils se livrent contre les autres Clans pour la domination de la région, et sur la menace mortelle que fait planer une nouvelle lignée maudite, les Usurpateurs. Il reçoit des explications sur la mort de Dame Sigrid, et notamment sur la dette dont dispose sa créatrice, la Princesse Nova Arpad, sur sa tête. Les deux camps ennemis sont satisfaits de la disparition d'une infante turbulente, mais les traditions doivent être respectées, et Sergeï en paiera le prix une nuit...

Intermède [Niklaus]: Niklaus reprend sa vie dans son village, désormais convaincu de la justesse de ses actes pour défendre la Vierge des Lépreux, des créatures décadentes et sanglantes qui règnent sur les nuits transylvaniennes. Reprenant ses travaux de sculpture comme sa mission apostolique, il rencontre rarement sa Dame à la lisière des bois obscurs, mais se satisfait de plus en plus pleinement de sa nouvelle condition.

Intermède [Dmitri]: Dmitri a vécu deux longues années dans les bois du domaine de Sigrid Arpad, et ses talents de chasseur et de survivant ont attiré sur lui l'œil exercé de Mitru. Ce dernier a longuement écouté la forêt et les esprits lui compter la Mort Ultime de son ennemie, et il a acquiescé aux recommandations de la Terre. Il compte revendiquer le solide Dmitri, s'il s'en montre digne. Fuyant avec ses nouveaux compagnons, celui-ci trouve sans grande difficulté un poste de pisteur auprès de la maisonnée de Radoslav Bessarab, dont les veneurs ont été décimés par les loups (voir l'acte I). C'est dans les bois entourant Sibiu qu'il rencontre pour la première fois Mitru, qui malgré tous ses talents de forestier parvient à le surprendre sans grande peine une sombre nuit d'automne. Peu de mots furent échangés mais Mitru le soumit et à sa merci, lui offrit ou lui imposa, c'est selon, le premier Lien du Sang. Depuis il revoit le Chasseur lorsqu'il égare ses pas dans les bois, volontairement ou non, et l'emprise de la Bête sur lui grandit de mois en mois. 

Sergeï reçut une lettre cachetée aux armes de la Maison Arpad dans les premiers jours du mois de mars 1194. Immédiatement soucieux, il découvrit dissimulés sous des mots courtois et une écriture déliée une menace à peine voilée. Il avait huit jours pour se rendre à Mediasch, auprès de la Princesse Nova Arpad, pour s'acquitter de la dette qu'il avait envers elle, où son destin serait scellé. Nulle mention n'était faite de ses compagnons de misère, mais après tout, en tant que noble, il semblait légitime qu'il recueille les louanges lors de ses réussites, et qu'il pâtisse de ses échecs... Il décida néanmoins de convoquer rapidement Dmitri et Niklaus, en leur dissimulant qu'ils n'étaient pas directement visés par le parchemin.


Si Dmitri répondit immédiatement à son appel, et se mit à son service comme l'exigeait son rang, il n'en fut pas de même du Père Niklaus, ce qui exigea des deux hommes de se rendre à Sulina, le petit hameau perdu à la lisière de la forêt. Accompagnés de deux gardes mis à sa disposition par le knezi, ils convainquirent sans grande difficulté Niklaus de la gravité de la situation et du danger représenté par la Princesse Nova Arpad, et ils se hâtèrent vers Mediasch.

Après un voyage sans incident, ils traversèrent à la tombée de la nuit les faubourgs de la riche ville marchande située sur les bords d'un des sous-affluent du Danube, la rivière Târnava Mare. Ils gagnèrent sur les indications des gardes la plus riche auberge de la ville, celle du Dragon, située à l'ouest des faubourgs, en direction de Balgrad. Après un repas éblouissant, à peine gâché par les rumeurs qui parcouraient les rangs des notables et marchands attablés dans la grande salle au sujet d'une étrange maladie touchant les animaux depuis quelques mois, nuisant ainsi au commerce, ils échangèrent quelques mots avec l'aubergiste, Ivan Janiseck. Ils repérèrent également un étrange convive au somptueux pourpoint émeraude, attablé seul, et ne faisant mine de ne manger à aucun moment, malgré l'assiette fumante posée devant lui. Souhaitant tester quelque idée, le Père Niklaus proposa à l'aubergiste de bénir son établissement, et priant en agitant ostensiblement sa croix, il se rapprocha de l'inconnu, qui ne fit pas mine de bouger d'un pouce, souriant même au religieux.

La nuit fut difficile pour Dmitri, bien loin d'être habitué à de tels fastes culinaires, et le brave Niklaus s'occupa tant bien que mal du malade avant de rejoindre Sergeï au petit matin pour se présenter à la princesse Nova Arpad. Ils rejoignirent d'abord le château, pensant qu'elle s'y trouverait mais ils découvrirent intrigués que la ville était régentée par un conseil nobiliaire, et les hommes qu'ils interrogeaient ne semblaient pas connaître la Princesse, bien qu'ils reconnussent bien volontiers l'influence de la famille royale de Hongrie sur la ville. Se renseignant plus avant, ils apprirent que la famille Arpad disposait d'un magnifique manoir dans le faubourg, et s'y rendirent. Le Père Niklaus effectua un petit détour, allant interroger quelques bouviers aux alentours de la ville sur l'étrange maladie qui ravageait les bêtes. Il n'apprit pas grande chose de nouveau, mais les jeunes gens lui affirmèrent néanmoins leur certitude dans l'œuvre du démon qui s'était abattu sur la cité.

Enfin les deux hommes parvinrent au manoir, où ils furent introduits par le sénéchal de Dame Arpad, arborant ses couleurs sur sa livrée, les quatre bandes d'argent et quatre de gueules. Ils durent patienter jusqu'à la tombée de la nuit, profitant de l'hospitalité du très riche manoir: bibliothèque largement fourni, boudoir aux tapis et tapisseries splendides, repas aux nombreux mets fins et inconnus... A la tombée de la nuit ils furent convoqués dans une petite étude, où la puissante Nova Arpad les attendait. Vêtue d'une riche robe d'un rouge profond, elles les accueillit d'un léger signe de la main, les invitant à s'asseoir dans les profonds fauteuils de velours. Ses longs cheveux ailes de corbeau cascadaient dans son dos, ne dissimulant rien de sa peau d'albâtre et de son regard bleu de glace qui les scrute avec dédain.

La discussion qui s'en suit fut difficile pour les deux hommes. Le mépris affiché de la créature de la nuit pour les hommes les choqua, de même que certains propos qu'elle leur tint qui leur firent se rendre compte de l'ignorance dans laquelle les laissaient leur maître respectif. Elle leur rappela que leur vie reposait entre ses mains, mais qu'elle leur offrait une chance d'être pardonnés, en lui rendant un service. Plusieurs habitants de la ville ont disparu, dont un de ses suivants. Elle ne se rappelait plus du nom des disparus, excepté celui de Maalivar Hustov, qui régit le quartier marchand depuis l'échoppe des Trois Tonneaux. Elle leur conseille de questionner son sénéchal pour le reste des détails, et éviter ainsi de l'ennuyer plus avant. Et sur un sourire désarmant elle leur donna quatre nuits pour retrouver les disparus, ou sa miséricorde serait nulle et non avenue...

L'enquête des deux hommes les menèrent à questionner et interroger plusieurs mortels, dont le cuisinier de l'auberge du Cheval vert, au sujet d'un des disparus, le tenancier Iaroslav Atov. Ils découvrirent l'existence d'un groupuscule de quatre personnes qui se réunissaient une nuit par semaine. D'après les descriptions et les indices rassemblés par la suite ils firent le lien avec d'anciens cultes païens et remontèrent jusqu'à Dragos Rulienko, un noble valaque récemment arrivé en ville, vassal de la famille Bessarab. Interrogeant le chevalier, ils apprirent le fin mot de l'histoire après quelques menaces déguisées. Dragos et ses comparses adoraient les anciens esprits valaques, et tous les jeudis se rendaient dans un ancien temple romain oublié de la forêt pour honorer leurs Dieux par des sacrifices et des offrandes, notamment à Havnor, Dieu du Ciel. Une semaine auparavant, de noirs démons issus des entrailles de la terre s'étaient jetés sur eux et le noble, effondré, reconnu sa faute et sa fuite éperdue devant les monstres. Ses compagnons furent capturés selon lui, et il vit dans le mépris de lui-même depuis, promettant même à Sergeï de se joindre à lui s'il décidait de partir en quête de ses compagnons.

Avant de partir pour les profondeurs des bois entourant Mediasch, le groupe rencontra un nouveau Caïnite de la cité, Vassily Taltos. En échange d'une dette orale envers le marchand richement vêtu, ils apprirent notamment le nom et la localisation d'un ancien vampire réputé pour sa sagesse et sa connaissance tant de Mediasch que de ses habitants, le Père Fedor Kerinski. Ce dernier résidait au sein de l'église de Sainte-Dymphan, la protectrice des fous et des simples d'esprit, conjurée notamment pour chasser les démons possédant les âmes perdues. Ils furent bien accueillis et obtinrent de nombreuses informations sur le monde de la nuit, s'étonnant une nouvelle fois de la complexité de ses règles, et du peu d'information dont ils disposaient. Il leur enseigna l'existence de nombreux Clans, des lignées de vampires aux pouvoirs et aux humeurs bien différents, et notamment le nom de celui du Prince Nova Arpad, Ventrue. Ils questionnèrent le prêtre sur le terme Caïnite, et en apprirent un peu plus sur la malédiction de Caïn et le meurtre d'Abel. Ils obtinrent peu de réponses sur leurs questions quand aux gargouilles, créations magiques des Tremere ou nouvelle lignée étrangère. Quant à leur enquête, le Père les informa qu'une Enfant de Malkav, Anna, l'avait interrogé sur le Dieu Havnor, et sur les cultes lui étant consacrés. Mais il n'avait jamais entendu ce nom auparavant et et ne pouvait leur en dire plus. Ils firent quelques impairs, rapidement pardonnés par le Père Kerinski qui blâma leurs maîtres de leur manque d'éducation.

Soucieux de ne pas faire d'erreur, et de ne pas froisser la susceptibilité de Dame Arpad, Sergeï et Niklaus se rendent à son manoir pour la rencontrer et lui révéler les informations qu'ils avaient amassées jusqu'ici, ainsi que la marche à suivre désormais. Ils assistèrent à une démonstration des pouvoirs charismatiques surnaturels de la princesse, qui les abasourdit de sa présence et leur imposa de ne venir trouver son auguste personne qu'avec une preuve formelle de la mort des disparus. Ne se risquant pas à un conflit potentiel avec la noble Caïnite ils décidèrent de quitter la cité à l'aube le lendemain pour gagner le temple, accompagnés et guidés par Dragos Rulienko. Dmitri ayant récupéré de sa soudaine maladie, ils s'assurèrent également des deux gardes confiés par le knezi de Sibiu. Après quelques heures de marche à travers les bois, où disparut peu à peu toute présence animale, ils gagnèrent l'ancien édifice en ruine;

Une clairière abrite les restes effondrés d'un temple de pierre blanche. Une grande arche permet d'accéder à l'intérieur, où subsiste quelques colonnes. La majeure partie du bâtiment est néanmoins effondrée, et les lourdes pierres sont recouvertes par une végétation agressive, ronces, orties... Seul un petit périmètre semble régulièrement dégagé à l'entrée, permettant d'y accéder sans difficulté. Ils découvrirent sur le sol de pierre et les murs de nombreuses traces de lutte, du sang et des brûlures. Un petit autel de bois est encore recouvert d'offrandes, notamment de petits objets de bois et de métal, ainsi que des ossements manifestement animaux. Dmitri, à l'aide des explications de Dragos et ses talents de pisteur, reconstitua la bataille perdu par les disparus, et vit qu'une des colonnes dissimulait sans doute une entrée secrète. Une fois le lierre et les mauvaises herbes retirées, ils découvrirent de nombreuses inscriptions ésotériques, certaines même sataniques selon le Père Niklaus mais aucune trace d'un mécanisme dissimulé. Un seul mot put être décrypté par le groupe, Baal.

Sergeï et Dimitri harnachèrent alors les chevaux à des cordes pour briser la colonne, et peut-être révéler une entrée secrète. En effet un puits obscur s'ouvrit devant eux lorsque le lourd tronc de pierre s'abattit au sol, révélant un étroit escalier en colimaçon taillé dans le roc. S'armant de torches et de courage, ils descendirent de quelques mètres dans les profondeurs de la terre, découvrant une immense pièce circulaire de la taille du temple, au sol spongieux jonchés de cadavres d'animaux à divers stades de décomposition. Deux couloirs en partaient. Le premier les mena à une petite chambre à peine meublée, d'un simple lit de bois et de paille, de quelques étagères et d'un bureau couvert d'artefacts qui les firent frissonner de dégoût: statuettes démoniaques couvertes de sang séché, crânes et os étranges, bougies noires, amulettes singulières. Dmitri découvrit une dague sacrificielle qui lui semblait avoir quelques valeurs et la dissimula dans son havresac. Sur un des murs, en hauteur, une inscription en latin défia leurs talents d'interprète mais fut apprise par cœur par le Père Niklaus. Une correspondance relativement récente se trouvait sur le bureau, rédigée dans une langue qui leur était complètement inconnue. Enfin, dans une cachette secrète dissimulée dans un des murs, ils trouvèrent précautionneusement emballé un parchemin couvert de symboles cunéiformes, visiblement très ancien.

Le deuxième couloir les mena à une geôle abondamment doté en matériel de torture: chevalet, croix de Saint-André, outils divers... Trois hommes y étaient enchaînés. Deux d'entre aux semblaient encore en vie, bien qu'aux portes de la mort, leur corps littéralement supplicié. Le troisième n'était plus qu'un cadavre, les yeux brûlés au fer rouge, la langue arrachée, un pieu de bois planté dans le cœur. Ses membres rigidifiés semblaient indiquer une mort déjà ancienne. Le Père Niklaus tenta d'aider les deux pauvres hères, que Dragos reconnut comme ses compagnons, Iaroslav Atov et Dimitri Balas. Malheureusement leurs blessures tant physiques que spirituelles ne permettaient qu'une mort douce pour abréger leur calvaire, miséricorde que leur accorda le prêtre. Sur les conseils de Sergeï ils enveloppèrent le troisième corps des vêtements et tissus découverts dans la chambre, afin de le protéger du soleil, se souvenant du destin de Sigrid Arpad. Sans grande difficulté ils mirent également le feu à ce qui pouvait être détruit, avant de quitter le temple maudit.

Regagnant Mediasch avant la tombée de la nuit, ils patientèrent à l'entrée du manoir Arpad, pour être reçus une nouvelle fois par le sénéchal, puis par le Prince. Ils apprirent avec grande surprise que Maalivar Hustov, bien qu'empalé, était toujours en vie, ou quelque soit le terme utilisé pour un non-mort. Nova Arpad sembla se désintéresser du sort des deux mortels ou des descriptions qui lui firent des lieux de captivité des prisonniers, mais blêmit à la mention du mot "Baal", chose que le chevalier Sergeï ne remarqua qu'un court instant . Elle le dédouana de sa dette envers elle, et se fendit même d'un cours remerciement, leur offrant l'hospitalité de sa ville lorsqu'il souhaiterait y venir pour affaires. Ne souhaitant pas s'attarder plus longtemps, ils passèrent néanmoins échanger quelques informations avec le Père Fedor Kerinski qui leur traduisit notamment l'inscription en latin "A la gloire de Rome, signé du nom d'Artémus Démus Scipion". Ils repartirent à l'aube le lendemain pour Sibiu, et regagnèrent sans difficulté leurs pénates. Ils interrogèrent leurs maîtres au sujet de l'étrange parchemin, mais nul ne sut ne serait-ce que leur indiquer la langue utilisée. Quand aux lettres, il s'agissait selon le Voïvode Rustovitch d'un dialecte venu du loin orient. Ne disposant pour le moment d'aucun autre moyen de traduire leurs trouvailles, ils les conservèrent précieusement en attendant de découvrir un érudit capable de les aider.  


dimanche 7 avril 2013

Acte III: du vrai visage de ses amis et de ses ennemis

Juin 1193

Plusieurs mois passèrent, et Kiklaus comme Sergeï recontrèrent à plusieurs reprises leur protecteur nocturne, veillant à leur intérêt, l'assurant de leur loyauté. Le lien de sang était désormais puissant, et leur âme bouillonnait de nombreuses images. Leurs rêves hantaient leurs journées, même les plus lumineuses, et les deux occupaient les longues heures qui les séparaient de leur maître, soit par la prière et la sculpture pour Niklaus, soit par une frénésie orgiaque dans les bouges de Sibiu pour Sergeï.

Ce ne fut qu'au début de l'été que ce dernier reçut une missive de Vladimir Rustovitch lui demandant de se rendre dans un knezat situé à mi-chemin entre ses terres et Sibiu. La réputation de la dirigeante des lieux semblait avoir un effet néfaste sur la politique régionale, et risquait même de rejaillir sur le voïvode. Le courrier suggérait à Sergeï d'être discret dans la résolution de cette affaire. Niklaus devra se joindre à lui, à la demande de Marushka, qui dirigeait depuis les sombres bois alentours le knezat de Sibiu, et se retrouvait malgré elle impliquée.

Une semaine de voyage les mena au domaine dirigé par Sigrid Arpad. Les villages et hameaux qu'ils traversèrent ne se distinguaient pas des précédents, les paysans et les serfs avaient l'air tout aussi apathiques, et détournaient les yeux en s'inclinant au moindre regard insistant du chevalier. Ils remarquèrent néanmoins le peu d'enfants jouant entre les pauvres chaumières.

Parvenus au manoir, un lourd et fonctionnel édifice fortifié situé sur une colline et entouré d'une solide palissade, le père Niklaus s'étonna de trouver un petit monastère situé dans l'enceinte. Une église de style occidental et deux bâtiments accueillaient une petite communauté de moines, à quelques mètres seulement du château seigneurial. Les serviteurs vaquaient à leurs occupations sans se soucier des visiteurs, malgré les nombreux regards curieux qui leurs étaient adressés. Aux portes du manoir, un homme du nom de Friederich, qui se présenta comme le sénéchal du domaine, leur offrit l'hospitalité et les convia au repas du soir en présence de sa dame.

Après quelques ablutions, Sergeï et Niklaus furent conduits dans la salle de réception où une poignée de membres de la maisonnée étaient installés autour d'une lourde table de bois que dominait le siège de Dame Sigrid Arpad, une magnifique trentenaire richement vêtue. Elle reconduit l'offre de bienvenue de son sénéchal et les invita à prendre place à sa droite et à sa gauche, se réjouissant d'avoir des visiteurs. Leur regard fut attiré par l'immense et magnifique tableau qui trônait sur le mur au dessus de leur hôtesse. Il représentait la Dame durant un banquet, entourée de convives archétypaux : un seigneur, un chevalier, un mendiant, un ménestrel, un prêtre... festoyant gaiement autour d'un fastueux repas.

Dame Sigrid s'extasia d'avoir des hôtes et leur présenta les quelques membres de sa maisonnée présents. Sa dame de compagnie, une femme d'un certain âge, qui répondait au nom de Mathilde. Son sénéchal, qu'ils avaient déjà rencontrés, et une poignée de notables. Ils s'étonnèrent néanmoins lorsqu'elle leur présenta son héritier, une homme d'une quarantaine d'années à la lippe boudeuse, Félix. Le repas fut délicieux, et à peine interrompus par les incessantes questions qu'elle leur posa sur le monde extérieur, les dernières nouvelles d'Hermmanstadt, ou les activités de la noblesse des environs. Plus le temps passait et plus Sergeï et Niklaus se rendirent compte qu'aucun voyageur ne semblait s'arrêter au manoir, ni marchand ni seigneur des environs.

Repus et fatigués, ils furent reconduits à leurs chambres où ils passèrent une nuit détestable, hantés par un cauchemar récurrent. Le festin de la veille s'était transformé une sanglante bacchanale cannibale ; les mets fins remplacés par des corps d'enfants et des morceaux de chair crue et sanglante. Le tableau était désormais peint avec du sang, les convives remplacés par des monstres des légendes slaves : vampires, ogres et autres créatures surnaturelles. L'âme troublée, le Père Niklaus chemina jusqu'au village le plus proche du château pour se remettre de ses rêves atroces, mais se rendit compte rapidement que les animaux grognaient à son approche avant de fuir. Les deux seuls enfants qu'il découvrit jouant devant une des maisons, à peine une hutte de bois et de chaume, déguerpirent en criant avant qu'il ne puisse leur adresser la parole. Mal à l'aise et étonné, il décida de s'adresser aux moines et ces derniers lui expliquèrent la raison de leur présence inhabituelle sur les terres d'un boyard. Jadis, un des ancêtres du précédent seigneur, l'époux décédé de Dame Sigrid, offrit aux moines de s'installer en ces lieux en échange de leurs prières. La région étant alors peu sûre, la petite communauté accepta et payait à ce jour encore sa dette envers la famille.

Sergeï et Niklaus apprirent peu après que Félix était le fils de la Dame, chose bien évidemment impossible car physiquement il pouvait être son père! Enquêtant auprès des serviteurs et des membres de la maisonnée, ils découvrirent une cuisine rutilante, qui ne semblait jamais utilisée. Le cuisinier, Tobias, au regard sadique et au front bestial, semblait néanmoins dissimuler quelques secrets derrière une lourde porte fermée à l'arrière de la cuisine. Interrogeant la dame de compagnie cette fois, cette dernière s'enferra dans ses réponses mais ne révéla rien de plus aux deux enquêteurs. La discussion avec l'héritier présomptif fut plus instructif, Sergeï découvrit rapidement son alcoolisme et sa bestialité. Jouant le jeu, il obtint de Félix le nom de celui qui pouvait l'aider à assouvir quelques vices avec une jeune paysanne. Tobias. Entreprenant ce dernier, il reçut quelques minutes après une des servantes, la robe déchirée et le visage tuméfié. La calmant, il essaya d'en savoir plus sur le château et ses occupants, bientôt rejoint par le Père Niklaus. Ils découvrirent alors que de nombreuses disparitions d'enfants avaient eut lieu dans la région, sans nul doute organisées depuis le château. Outrés, ils promirent protection à l'éplorée jeune fille, et un poste dans une riche maison à leur retour à Sibiu.

Échaudés, ils cherchèrent des réponses auprès de l'abbé, le Père Gustav, qui reconnut n'avoir pas été complètement honnête avec Niklaus. Il lui raconta la malédiction régnant sur le château depuis la mort du précédent seigneur, Werner. Il retraça la tentative menée près de vingt ans en arrière pour brûler Dame Sigrid, qu'il décrivit comme un monstre, et le bûcher qui refusait de s'embraser. Il rapporta son entretien avec le Démon selon lui responsable de la situation, et la vision du pays en flamme, ravagé par la guerre et la famine si la Dame périssait. Il hait Dame Sigrid mais est étroitement tenu par la promesse et la peur. Niklaus extorquaanmoins de dissimuler la jeune servante dans les cuisines du monastère jusqu’à leur départ, afin qu'elle ne subisse pas quelque funeste sort. La culpabilité de l'abbé aidant, il accepta si cette dernière jurait de ne jamais quitter la pièce.

Sergeï et Niklaus rencontrèrent un jeune et solide gaillard à l'entrée de l'enceinte, Dmitri, vêtu comme un forestier et armé d'un robuste arc de chasse. Il s'entretint à mi-voix avec eux et leur expliqua la situation, le viol et la mort de sa femme et la disparition de ses enfants alors qu'il était à la chasse deux ans auparavant. Il avait alors fui dans la forêt, vivant d'expédients, de braconnage et de quelques commerces avec les environs, ne s'éloignant jamais trop longuement. Il avait entendu parlé des visiteurs par les villageois et leur demanda avec rage de l'aider à trouver le coupable. Sergeï se proposa de le faire passer pour son écuyer afin de lui permettre de pénétrer le manoir. Leurs soupçons se tournaient alors sur le dépravé Félix. Ils décidèrent de confondre Dame Sigrid en lui expliquant les horreurs qui se passaient sur son domaine lors du repas du soir.

Au cours du dîner, évitant de toucher à toute nourriture, ils n'hésitèrent pas à entreprendre Dame Sigrid, accusant notamment Tobias. Après avoir demandé à sa maisonnée de quitter la pièce, elle rît de leurs accusations, s'enorgueillissant de sa condition, de ses actes, riant de leur morale. Elle considérait ses gens comme à peine mieux que du bétail et selon elle qui pouvait regretter de manger du bœuf ? Elle fut suffisamment hautaine et immonde pour les pousser dans leurs retranchements. Ils quittèrent la salle de réception en l'assurant qu'ils seraient partis le lendemain à l'aube. Mais finalement ils décidèrent de rester, après avoir mis en place un plan pour détruire la créature et libérer la région de son influence. Ils rencontrèrent une nouvelle fois Félix, qui ivre mort leur révéla toute sa haine et sa rancœur pour sa mère, responsable de la mort de son père et de sa situation actuelle, à attendre éternellement un héritage qu'il ne verrait jamais. Il les assura de son soutien entier s'ils la détruisaient lors de la journée à venir, offrant de crucifier Tobias à Dmitri après lui avoir assuré que le cuisinier était l'âme damnée de Dame Sigrid, responsable de la majorité des enlèvements et des atrocités.

Renforcé dans leur détermination, les trois hommes se calfeutrèrent dans une des chambres pour assurer leur sécurité et attendre l'aube. Au petit matin ils récupèrent de l'huile pour lampe auprès d'un serviteur et en remplirent une outre afin de bouter feu à Dame Sigrid pendant son sommeil diurne, seule arme qu'ils connaissaient contre ces monstres. La chambre était gardée par un garde mais ils le maîtrisèrent sans peine, et silencieusement. Malheureusement ils ne purent crocheter la serrure, et se résolurent à enfoncer la lourde porte de bois qui protégeait les appartements de la maîtresse des lieux.

Le petit salon était vide, les épais volets de bois clôts et dissimulés par de riches rideaux incapables de laisser passer la lumière. Désormais sûrs d'avoir été repérés, ils se précipitèrent vers la seconde pièce, occupée par un gigantesque lit sur lequel reposait le corps rigide et sans vie de Dame Sigrid. Sergeï commença immédiatement à verser de l'huile sur les riches draps et les vêtements de la créature tandis que Niklaus s’escrimait à ouvrir les volets. Les paupières du vampire s'ouvrirent et son buste se redressa en une équerre parfaite. Elle fixa de ses pupilles d'un noir de jais le chevalier qui se mit à hurler de terreur et se rua vers l'extérieur, bousculant et frappant Dmitri qui attendait patiemment à la porte de la chambre le moment de jeter sa lampe sur la couche. Ce dernier se reprit suffisamment vite pour ne pas laisser le vampire jeter un nouveau maléfice et jeta sa lampe, leur dernier espoir. En quelques secondes le lit comme le corps de Dame Sigrid prirent feu, et son hurlement fut bien plus terrible encore que celui de Sergeï. Elle se rua vers la porte, Dmitri ne se jetant qu'avec chance au sol pour éviter le monstre enflammé, ne laissant pas même le temps à Niklaus d'offrir une lumière salvatrice au groupe. Heureusement la bête rendue folle de douleur se retrouva prise au piège devant le couloir ensoleillé et les flammes et se roula au sol dans le salon, tentant d'éteindre le feu brûlant. Dmitri eut la présence d'esprit de jeter l'outre encore à moitié pleine de combustible sur le brasier vivant, et le vampire explosa.

Les deux hommes n'eurent pas le temps de se ruer à l'extérieur avant l'arrivée des gardes, mais Niklaus put les convaincre qu'ils étaient venus à cause des cris et qu'ils avaient découvert le début d'incendie. Il ordonna aux gardes de se ruer chercher de l'eau et d'avertir l'ensemble de la maisonnée pour créer une chaîne depuis le puits pour éviter que l'ensemble du manoir ne brûle, escomptant profiter de l'agitation pour fuir discrètement.

Ils n'eurent cependant pas cette chance. Découvrant Sergeï enfermé dans sa chambre, ils durent attendre qu'ils reprennent ses esprits et défasse la barricade qu'il avait élevé contre la porte dans son moment de terreur passé. Se saisissant de leurs maigres effets, ils sortirent du manoir alors que les serviteurs et les moines, alertés par les cris comme par la noire fumée s'échappant du dernier étage, formaient une chaîne humaine armés de sceaux et de baquets. Murmurant une prière pour franchir l'enceinte sans être vus ils déchantèrent lorsque l'abbé Gustav cria aux gardes présents de les arrêter, les accusant de l'incendie d'une voie stridente.

Deux hommes d'armes dégainèrent sans conviction et s'avancèrent, malgré les démentis du Père Niklaus et les ordres contradictoires de Sergeï. Ce dernier saisit donc sa lourde épée et se mit en garde, menaçant, tandis que Dmitri encochait une flèche et tirait, blessant légèrement un des hommes. Le second reçut la lame du chevalier valaque dans la poitrine, et recula, titubant, tentant d'arrêter hémorragie. Quelques passes lui suffirent pour blesser également l'autre soldat aux prises avec Dmitri et ils purent s'éloigner à grands pas vers la porte du château. Niklaus les rejoint bientôt, tirant par le bras la jeune servante qu'il avait dissimulé au monastère la veille, et ils purent enfin quitter ce lieur maudit sous les malédictions des moines, et la pluie de cendre s'échappant du manoir en flammes.

Sibiu/Hermannstadt

[Attention, cette page est amenée à évoluer au fur et à mesure que les joueurs exploreront la ville et découvriront ses secrets les plus obscurs.
Mise à jour: 07/04/2013]

Sibiu est traversée par la petite rivière Cibin, affluent de la rivière Olt, elle-même tributaire du Danube. Fondée par des colons allemands au début du XIIe siècle, la ville se trouve à 20 km des montagnes de Făgăraș, à 12 km des montagnes de Cibin et à 15 km environ des montagnes Lotrului. Au nord et à l'est, Sibiu confine au plateau des Târnave, qui descend vers la vallée du Cibin par la colline Gușteriței. C’est ici que convergeaient les principales routes commerciales de Transylvanie, y compris celle vers le sud, en direction de la Valachie, par le défilé de la Tour rouge. La noblesse saxonne et magyar, par l'action de la famille féale Bessarab et l'appui de la puissante Caïnite Marushka, s'est vu confisquer le pouvoir politique au profit de l'ancienne élite nobiliaire slave. Le knezi actuel est Radoslav Bessarab qui règne sur la région depuis son château de l'Oberstadt.

Oberstadt, la ville haute : bâtie sur la colline dominant la rivière Cibin, la ville haute abrite la noblesse et le château du knezi Bessarab. La Piață Huet (littéralement « la toute petite place », la plus ancienne) accueille les artisans et les marchands les plus riches et influents de la ville, notamment la puissante corporation des drapiers. La prévôté, un puissant bâtiment fortifié de deux étages, s'y trouve également. Une récente église romane se trouve dans le quartier, construite par les donations de riches saxons récemment immigrés.

Le château d'Hermannstadt : Surplombant la cité, le château transylvanien est composé d'une vaste esplanade entourée de remparts massifs. Le château est constitué d'un puissant donjon carré de trois étages. Le premier niveau abrite les cuisines et dépendances nécessaires aux domestiques et serviteurs. Le donjon abrite également au troisième étage les appartements du knezi et de sa famille, ainsi que les logements des chevaliers attachés à son service. 
Un chemin fortifié donne sur l'entrée de la place forte. La porte est composée de deux panneaux de bois cloutés. Le passage est doublé par une lourde herse en acier. L'entrée du château est surveillée par deux imposantes tours de garde dont les murs sont percés de nombreuses meurtrières. Juste derrière se trouve les écuries et les chevaux, la réserve de foie et de paille et le dortoir des palefreniers. Derrière les écuries, la forge et l'armurerie ainsi qu'un corps de garde. Les logements des domestiques se trouvent non loin. Un chemin de ronde parcourt tout le pourtour des remparts. 

La corporation des drapiers : un des plus grands bâtiments de la ville accueille la corporation des drapiers, régi par un conseil des maîtres de neuf membres. Riches marchands ou artisans de talents, ils maintiennent par le biais d'une milice privée l'ordre dans le quartier, s'assurant du soutien de la plupart des autres commerçants, et frappant les contrevenants et les opposants, dominant de fait l'économie grandissante de la ville. Depuis peu leurs réunion se font plus fréquentes et l'on murmure que des projets d'ampleur sont en cours.

L'église Sainte-Anne : récemment construite, elle attire les très nombreux saxons qui ont refusé de se convertir à l'orthodoxie à leur arrivée en Transylvanie. Le prélat en charge, un ancien Abbé, le Père Feldorf, espère recevoir rapidement le titre d'évêque et de disputer à son rival orthodoxe la domination spirituelle sur la ville.

Unterstadt : Les maisons à deux étages et à vaste toiture, d’une architecture assez rustique, dotées d’un portail donnant accès à une cour intérieure, sont caractéristiques de ce quartier. La place Dragoner peut être considéré comme le centre de la ville basse, la place Fingerlingsplatz (place des orfèvres) est une des plus riches et des plus fréquentées. L’église de l’Ordre du Saint-Esprit (orthodoxe, aussi appelée église de l'Asile) entreprit de fonder ici le premier hospice pour malades et nécessiteux.
Personnalités importantes : le métropolite Vulpesco règne sur un puissant clergé comportant de nombreux prêtres et diacres. Sa domination est aujourd'hui remise en cause par la part croissante de saxons, catholiques, qui ont bâti une église et soutenu la construction du couvent dominicain. Personnage décadent et peu recommandable, il cherche actuellement des appuis auprès de la vieille noblesse roumaine pour empêcher les catholiques de renverser son hégémonie, et la leur.

Extérieur : le couvent dominicain de la Sainte-Croix est situé contre le mur d'enceinte.


Acte II: d'un voyage aux confins et de la loyauté

Décembre 1192 à janvier 1193

Acte I Scène 1
Sibiu, le 16 Décembre 1192

Les Joueurs patientent dans l’Anti-chambre de l'archevêque de Sibiu dans les locaux qui font face à la cathédrale. L’endroit est aussi bien éclairé que possible à l’aide de bougies, et de lampes à huile. La salle est richement décorée de tentures et de tapis, dont certains ont un style qui n’a rien de local. Ce sont des prises de guerre des dernières croisades. Sergeï et Niklaus sont reçus par l’archevêque Vulpesco.
L’archevêque est un homme entre deux âges au visage de fouine et la voix qui va avec malgré un corps gras et lourd. Il est assez richement vêtu et semble ne pas avoir très envie de s’occuper de cette affaire.
Il ordonne plus qu’il ne propose aux deux hommes d’accompagner un certain Krasimir Veselin jusqu’à un monastère se trouvant dans les Alpes transylvaniennes, à la frontière avec la Bulgarie. « Pour plus d’informations vous verrez avec le sénéchal de frère Krasimir. ». Interrogé sur la raison pour laquelle ils ont été choisi pour ce travail il se contentera de dire que la décision a été mûrement réfléchie et que leurs actions menées précédemment pour le seigneur de Sibiu les recommande fortement. Rendez-vous est donc pris pour le lendemain à l’aube, à l’auberge des lances croisées pour le départ.
Ils se souviennent vaguement avoir entendu parler de ce Krasimir Veselin. C’est un des bouchers de Bulgarie qui a mis à feu et à sang toute la région au nom de la croisade contre les Bogomiles.

Acte I Scène 2
L’auberge des Lance Croisées
Sibiu le 17 Décembre 1192

Plusieurs roulottes et quelques 20 hommes en armes attendent devant l’auberge. C’est le frère Grozdan, l’aide de camp de Krasimir qui reçoit Sergeï et Niklaus et les présente au sergent Matesco, commandant les soldats. « Le sergent Matesco est chargé de notre sécurité, c’est un vieux baroudeur. On peut lui faire confiance. C’est à lui que vous devrez parler si vous vous éloignez du cortège ou pour tout problème militaire. Je m’occupe de l’intendance, de tout ce qui a trait à l’argent en fait »
Matesco est un homme souriant et enjoué, de grande taille, entre deux âges, encore très bien conservé. Plusieurs cicatrices barrent son visage sans pour autant le défigurer.
Grozdan quant à lui est plus. Jeune moine arborant une longue barbe noire, il est d’un naturel pausé et dévoué. Krasimir sortira assez en retard. Il semble passablement ivre, il titube vers sa roulotte, aidé par une fille de joie et par Matesco. Le voyage peut commencer…
Les premiers kilomètres hors de Sibiu se passent bien jusqu’à ce que Krasimir donne l’ordre de stopper aux abords de l’Olt. Il descend et vomit dans le fleuve avant de remonter dans sa roulotte en rotant. On ne le reverra pas de la journée…
Un silence de mort s’installe entre les voyageurs jusqu’au soir où le cortège s’arrêtera enfin à une auberge relais.

Acte I Scène 3
L’auberge relais « le voyageur souriant »
Le 17 Décembre 1192

L’auberge est bondée. Des pèlerins, des marchands, des soldats, quelques filles de joie et tire-laine se côtoient dans ce microcosme.
Krasimir se fera servir dans sa chambre et fera monté une coquine. Il ne se montrera pas dans la salle commune. Dehors, Sergeï et Niklaus remarquent qu’une des roulottes est protégée par les hommes d’armes même la nuit.
Le voyage reprend à l’aube le lendemain. Krasimir semble encore saoul.

Acte I Scène 4
Sur la route vers Belle-Faux
Le 20 décembre 1192

Rien de vraiment intéressant ne s’est passé ces derniers jours. Chaque arrêt dans un Relais ressemble au précédent. Les Gardes surveillent le coffre à tour de rôle, Krasimir reste distant. Il a cependant cessé de se saouler. Il s’adonne toujours au péché de chair sans restriction.
Le convoi se trouve sur une petite route serpentant à flanc de montagne. Krasimir interpelle Sergeï et Niklaus. Il leur demande de monter dans la roulotte.
Krasimir semble passablement éméché. Krasimir leur demande s’ils croient en Dieu. Puis il leur demande si Dieu peut bien cautionner les massacres. « Au nom de quelle foi peut-on massacrer des hommes et des femmes ? Bafouant ainsi les commandements du Seigneur. ». Krasimir se confesse alors. Il raconte comment il a ordonné la mort de centaines de personne, comment il a lui-même pris plaisir à tuer des innocents qui n’avaient commis que l’erreur de croire en Dieu autrement. « Tout cela est politique, l’Empereur et le métropolite ne peuvent cautionner les révoltes hérétiques car elles sont l’arbre qui dissimule la forêt, l’unification de la colère bulgare face au pouvoir byzantin. Ils en mourront ces imbéciles ! Mais les autres continueront ! Combien d’hommes devront mourir pour que les seigneurs soient contents ? Croyez moi mon ami, la fin ne justifie pas toujours les moyens ! Souvenez-vous en ! Allez vous en maintenant ! SORTEZ »

ACTE I Scène 5
L’auberge « Le Pic neigeux »
20 décembre 1192, Les Alpes de Transylvanie.

Il fait nuit, les hommes qui ne sont pas de garde dorment déjà profondément. Sergeï, profondément endormi, est réveillé par une étrange sensation de danger, malgré le silence de mort qui règne sur l’auberge. S’armant rapidement, il gagne l’extérieur dans l’obscurité. La roulotte contenant le coffre est attaquée par trois hommes vêtus de capes noires. Ils ont déjà silencieusement éliminé deux des quatre gardes. S’approchant en silence, Sergeï parvient à frapper un des hommes juste après qu’il ait égorgé un troisième garde, criant pour prévenir le survivant qui se retourne à temps pour dégainer et engager le combat. Malgré les ténèbres, Sergeï distingue les armes de ses ennemis dissimulés et s’étonne. Il reconnaît des glaives romains, qu’il avait aperçu jadis accrochés au mur des trophées de son père. Blessé par son adversaire direct, il est sauvé par l’apparition d’autres soldats, réveillés par les bruits de combat. Sentant tourner le vent, les trois assaillants s’enfuient dans la nuit, disparaissant en quelques instants. Niklaus s’occupe rapidement des blessés et entame un sermon pour les féliciter de leur courage. Le sergent Mateos félicite Sergeï pour son courage, et le remercie d’avoir sauver un de ses hommes.
Krasimir les prend alors à part. Il leur parle du contenu du coffre dissimulé dans le chariot qui vient d’être attaqué, de l’existence des vampires et du fait qu’il en a lui-même détruit un. Il leur dit qu’il existe des monstres buveurs de sang qui vivent uniquement la nuit. « Ceux-là étaient sans doute leurs serviteurs damnés. ». Ensuite Krasimir informe les joueurs de son désir de créer un ordre religieux spécialisé dans leur destruction. « Justement nous nous dirigeons en un lieu où se trouve le meilleur de tous les chasseurs de Vampires : Chrisanthos Fedra »…
Sergeï et Niklaus demandent à découvrir ce que cache le coffre, et découvre ceci :
- Trois lettres de Dragoman Foresco adressées au Métropolite de Constantinople datées respectivement du 20, 23, et 24 juin 1192, écrites en grec (la veille de sa mort devant Vratza, cité du nord de la Bulgarie acquise à la cause bogomile et assiégée pendant l’été par les forces du roi de Bulgarie « assistées » de troupes byzantines, les lettres ne sont jamais parvenues au métropolite.). Les trois lettres de Dragoman Foresco font état de la destruction de plusieurs « créatures de la nuit » lors des massacres contre les Bogomiles.
- Un Manuscrit traitant de la Mythologie des Vikings. Il est écrit en grec, son auteur est inconnu.
- Un Manuscrit traitant de la Mythologie Egyptienne. Il est en Hébreu, son auteur est Florent Lacroix.
- Un Manuscrit traitant de la Mythologie Grecque. Il est en latin. Son auteur est inconnu.
Les Manuscrits renfermeraient des informations tendant à démontrer que plusieurs des dieux de ces Mythologies seraient des Vampires.
- Une lettre du Frère Aristokles Sabbas datée du 16 janvier 1191. La Lettre d’Aristokles Sabbas informe le métropolite de Constantinople de l’existence « d’une sorte de Bible des Vampires nommée le Livre de NOD ».
- Un Manuscrit nommé « Maleficarum Invocat ». Certains des chapitres du Maleficarum Invocat traitent des rites de création des vampires. On y trouve les noms de trois Clans : Ventrue, Toreador et Malkavian.
- Un Manuscrit nommé « Thaumaturgos, Creo Ignem ». On y trouve le nom du Clan Tremere et des informations sur l’Ordre d’Hermes.
- Une croix en Or incrustée de Pierreries. Selon le Père Krasimir elle appartenait à une de ces créatures de la nuit, tout comme le reste des manuscrits. Le Père Niklaus peut ressentir sans problème la pureté qui se dégage de l’objet, ce qui ne manque pas de l’étonner quant à sa possession par un démon…

ACTE II scène 1
Le monastère de Belle-Faux
Alpes transylvaniennes, le 21 décembre 1192

Les joueurs sont reçus chaleureusement par les moines qui leur offrent vin et fromage. Après un bon Repas, Sergeï, Niklaus et Krasimir sont présentés à Chrisanthos Fedra . C’est sans doute l’homme le plus fervent qu’ils ne rencontreront jamais. Sa Foi semble pouvoir déplacer une montagne, elle irradie si fort qu’on se sent presque défaillir auprès de lui. Quelque chose de fou bouge dans ses yeux. Il leur parle un court instant pour les remercier d’avoir sauvegardé ces preuves irréfutables de l’existence des monstres. Il a l’intention de les présenter au métropolite afin d’obtenir le droit de créer un ordre de chasseurs de Monstres. « Un Ordre d’investigation efficace capable d’éradiquer le fléau que représente toutes les engeances de Satan telles que les Vampires ». « Bien sûr vous m’accompagnerez pour témoigner de ce que vous avez vu… ».

ACTE II Scène 3
L’auberge Relais « Cinq étoiles »
Frontière avec la Bulgarie, 26 Décembre 1192

Couchés dans une chambre qu'ils partagent, Sergeï et Niklaus sont réveillés par une présence non loin de leur couche. Se redressant prudemment ils distinguent dans la pénombre un homme au visage dissimulé, assis non loin de la porte et les observant pendant leur sommeil. Il ne semble pas menaçant et les deux hommes décident d'écouter ce que l'inconnu peut leur apprendre sur son intrusion alors que l'auberge regorge d'hommes d'armes. Ses paroles sont confuses, et il semble de nombreuses fois s'adresser à lui-même plus qu'à eux, mais ils comprennent qu'il leur demande de l'aider lui et les siens à se saisir de ce que transporte le convoi, au risque que leurs maîtres n'en pâtissent. Ses explications sont confuses et il propose de leur montrer directement les risques qu'ils encourent. Malheureusement pour eux les visions qu'il déclenche dans leur esprit sont pour la plupart terrifiantes et menacent de les blesser avant qu'ils ne puissent reprendre le contrôle de leurs actes. Elles vont servir cependant de détonateur, notamment au Père Niklaus qui y voit des visions envoyées par Dieu, ou du moins par la Vierge Marie à laquelle il associe Marushka depuis cette sombre nuit dans la forêt. L'étrange inconnu les quittera en leur donnant son nom et leur permettant d'échapper pour quelques temps à leurs visions.

ACTE II Scène 4
L’auberge Relais « le repos des marchands »
Bulgarie, 26 Décembre 1192

La seconde attaque a lieu de nuit une fois de plus, à quelques encablures seulement de la prochaine auberge. Et cette fois c’est une attaque en force. Une flèche transperce le conducteur du premier chariot, empêchant le convoi de continuer sa route. Une dizaine d’hommes encapuchonnés prennent d’assaut le convoi, et rapidement prennent le dessus sur les soldats de l’Eglise pourtant bien entraînés. Sergeï reste en retrait et se rend compte que l’ennemi fait preuve de miséricorde, et n’achève pas les blessés, tout comme il paraît éviter les coups mortels. Observateur, il voit le Père Niklaus tenter de s’emparer du coffre de toutes les convoitises, sans y parvenir. Il l’aide alors et ils dissimulent le coffre dans l’obscurité et la sécurité toute relative du fossé.
Le combat tourne donc visiblement à l’avantage des assaillants jusqu’à l’entrée en scène de Chrisantos. Celui-ci appose sa croix sur le front d’un des hommes encapuchonnés qui vient de se jeter sur lui. Il s’enflamme littéralement. Il finit par tomber en cendres en quelques instants, faisant reculer le reste de la troupe et permettant aux gardes survivants de resserrer leurs rangs et d’écarter les blessés. Tandis que les créatures de la nuit et leurs serviteurs semblent se concerter, le Père Chrisantos ne peut profiter de l’accalmie pour mener l’assaut aux côtés de ses hommes. Niklaus se rue sur lui pour lui arracher la croix des mains, lui hurlant au visage qu’il est possédé par le démon. De stupeur, nul ne s’interpose jusqu’au moment où Niklaus mord avec fureur l’oreille du moine, arrachant la chair. Sergeï se saisit alors également de la croix d’or dans son poing ganté de mailles, et devant l’insistance des deux religieux qui s’agonissent d’injures, il décide de les calmer avec vigueur. Son gantelet s’abat à deux reprises sur leur visage désormais tuméfié, et les deux hommes roulent au sol dans la boue glacée. L’incompréhension règne toujours dans les rangs des soldats de l’Eglise, d’autant plus quand tous se rendent compte de la disparition de leurs assaillants. Seul subsiste le petit tas de cendres, leurs blessés et leurs morts ont disparu.
Avant que quiconque puisse reprendre ses esprits, Sergeï fait enfermer les deux religieux dans des chariots séparés, arguant qu’ils ont perdu la raison. Il s’aperçoit également, mais trop tard, que le coffre qu’il pensait à l’abri, a disparu.
Stabilisant les blessés et emportant les corps sans vie, ils parviennent à gagner l’auberge où le personnel s’empresse auprès d’eux pour fournir le nécessaire pour les premiers soins. Un des gardes succombe néanmoins de ses blessures dans la nuit. Le Père Chrisantos est enfermé dans une chambre à l’instigation du Père Niklaus qui s’évertue à convaincre tout le monde de sa possession par un esprit démoniaque avec l’aide du chevalier. Manipulant les soldats de l’Eglise choqués lors d’un sermon héroïque et menaçant, et profitant de la disparition du Père Krasimir, ils parviennent à isoler le moine et à l’interroger.
Le convoi reste une semaine à l’auberge, permettant à Sergeï de demander au plus proche évêché des renforts en hommes, et aux blessés de se remettre. Chaque jour les deux hommes interrogent avec vigueur le Père Chrisantos qui s’affaiblit ; il jeûne depuis l’arrivée à l’auberge sur les consignes de Niklaus. L’eau, son seul agrément dans sa chambre-cellule, est de plus empoisonnée par des herbes médicinales qui lui provoquent de violentes coliques. Ne parvenant pas à lui arracher des aveux, Niklaus lui ôte la vie en l’étouffant, affirmant à tous que l’esprit malin qui le possédait s’est enfui, mais que le corps du pauvre homme n’a pas résisté.
Finalement le convoi repart pour Sibiu, évitant les montagnes et accélérant le pas, ce qui raccourcit le voyage de quelques jours.

DENOUEMENT
Sibiu, le 8 janvier 1193

De retour à Sibiu avec un convoi affaibli, ils sont reçus par l'archevêque qui s'il semble désappointé, ne semble tenir rigueur à Sergeï ou à Niklaus ; ces derniers faisant passer l'échec de leur mission pour une semi-victoire, et eux pour les sauveurs là où Chrisantos et Krasimir sont les responsables bien incapables de se dédouaner. Le Père Niklaus remet la sainte croix à l'archevêque ce qui achève de les racheter à ses yeux tandis qu'il caresse l'objet sans prix de ses doigts boudinés. Le Père Niklaus reçoit une bourse abondamment dotée (pour un prêtre de campagne...) afin de reconstituer les réserves de son village affaiblies par les loups l'année passée. Sergeï se voit remettre un lourd bouclier aux armes de la croisade, richement ouvragé.

Intermède [Sergeï] : Peu après le chevalier Sergeï est convoqué sur les terres du Voïvode Vladimir Rustovitch pour rendre des comptes à son suzerain. Il dîne une nuit en sa compagnie, lui racontant par le détail l'expédition religieuse à laquelle il a participé et la manière dont les objectifs des prêtres chasseurs de vampires ont été défaits. Il reconnaît la valeur de son vassal et lui marque son respect en lui offrant une accolade de noble seigneur avant de lui offrir une nouvelle fois son sang et l'hospitalité de ses terres pour quelques jours. Sergeï est reconduit dans ses fonctions d'agent de Rustovitch à Sibiu, et il reçoit une dotation en or et en marchandises diverses pour accomplir ses fonctions. Lorsqu'il regagne sa ville de résidence, il achète une maison bourgeoise et s'alloue les services d'un serviteur pour gagner en autonomie, et en prestige.

Intermède [Niklaus] : Niklaus recontre Marushka par une sombre nuit alors qu'elle vient le chercher en sa pauvre demeure. Il lui conte également toutes leurs pérégrinations, et le félicite de ses actions. Bien qu'effrayé par les loups immenses qui accompagne sa sombre maîtresse, il ne peut s'empêcher de recevoir la sombre communion qu'elle lui offre de son Sang puissant. Il regagne sa maison en sachant qu'il doit désormais contacter la tenancière d'un bordel de Sibiu pour s'informer des volontés de sa maîtresse, ou l'informer de quoi que ce soit qu'il estimera nécessaire. Niklaus s'abandonne désormais à la réalisation d'une idole de bois représentant la Vierge Marie pour la chapelle du village, idole qui prend de plus en plus l'apparence de la sombre fille des bois.

La suite...

Acte I: de la découverte des obscurs pouvoirs des ténèbres

Automne 1192

Intermède [Sergeï] : Sergeï fit un rêve étrange, à la netteté et aux détails troublants. Vêtu de sa cuirasse, arborant les armes de sa famille, avec à la main sa fidèle épée, il affrontait de nombreux ennemis, certains humains, d'autres d'obscures créatures du malin. Et ce fut contre une créature démoniaque d'une endurance et d'une force peu commune, alors qu'il avait mis un genou au sol et se préparait à succomber aux assauts de la Bête qu'il entendit une voix tonner dans le ciel étoilé et mettre un terme au combat : « lorsque une lame, même maniée par un épéiste hors-pair, n'est plus suffisante, rappelle toi que le pouvoir des mots, et notamment celui des noms, peut venir à bout de n'importe quel ennemi ». Personne n'apparut à la suite de ces paroles qui avaient repoussé le démon, mais un nom résonna longuement à son esprit avant son réveil...Vladimir Rustovitch...

Au petit matin des soldats mènent Sergeï et Niclaus dans la cour centrale dominée par le donjon. Avant qu'ils ne puissent faire connaissance avec la vingtaine de soldats et la douzaine de pisteurs et de chasseurs rassemblés, le knezi Radoslav Bessarab se présente et en quelques phrases ordonne à ses hommes d'obéir aux deux nouveaux venus, qui s'attirent ainsi une certaine inimitié du chevalier qui semblait diriger le groupe. Le départ, à pied, s'effectue après une courte prière collective menée par le prêtre orthodoxe, qui en profite pour rassembler ses ouailles qui suivront la troupe jusqu'à la forêt. Dès le départ, une tension est palpable entre les chasseurs, menés par le maître de la vénerie du knezat de Sibiu, Georgiu, et les soldats, menés par un dur szekler du nom de Janok. Sergeï parlant couramment l'allemand depuis la troisième croisade où il voyagea en compagnie des troupes de l'Empereur Frédéric Ier Barberousse. Ne laissant rien paraître il apprend rapidement que les chasseurs, roumains et orthodoxes ou païens, et les soldats, szeklers catholiques, se détestent cordialement et risquent d'en venir aux mains si leur chef respectif ne calme pas leur élan.

Sur une dernière bénédiction du prêtre les villageois regagnent leur clairière et leur demeure non loin de là. Lors de la première veillée, Sergeï sermonne Janok en allemand, s'attirant un certain respect du chevalier qui concède de laisser sa chance à Georgiu. Peu de temps avant l'aube, ils sont réveillés par les cris d'une sentinelle et le camp se met en branle en quelques instants. Les moqueries des hommes aux propos du garde qui jure avoir vu un gigantesque loup lui faire face dans la nuit sont tempérées par les traces découvertes par les chasseurs à quelques pas du lieu.  

Une première journée de battue s'organise alors, chaque homme à portée de voix du suivant tandis qu'une poignée de traqueurs prend de l'avance à la recherche de traces récentes ou de pistes. En fin de journée Niclaus se souvient d'une vieille histoire sur un temple abandonné dans cette partie de la forêt et propose d'essayer de le trouver, au moins pour passer la nuit en dehors de l'atmosphère étouffante des bois. Ils découvrent en effet un vieux temple dont il ne reste que quelques vestiges ensevelis sous les mauvaises herbes et les ronces qui occupe une clairière à plusieurs heures de marche de la lisière de la forêt. Étrangement de nombreuses sentes y mènent, et des traces incompréhensibles pour les chasseurs laissent à penser que les lieux sont souvent visités (certaines traces sont humaines, d'autres non mais ne peuvent être identifiées...). Fortifiant une petite partie de la zone à l'aide des murs effondrés, Sergeï et Niclaus décident de passer la nuit ici avant de se séparer en plusieurs groupes demain, les traces humaines intriguant le prêtre qui croit à l'organisation de rituels impies. Il organise une messe à laquelle participent quelques soldats catholiques et les chasseurs orthodoxes. Au matin, le chevalier Bessarab part donc vers le nord et la montagne avec la plupart des chasseurs pour découvrir où se terrent les loups tandis que Niclaus et quelques hommes suit la sente la plus récemment empruntée par des voyageurs. A quelques heures de la clairière ils découvrent un grand trou, à première vue creusée par une bête et auprès duquel les chasseurs aperçoivent des traces correspondant à celles des ruines. Intrigués, ils ne peuvent que rebrousser chemin pour regagner le vieux temple abandonné, craignant de se retrouver en pleine nuit dans la forêt. Sergeï et ses pisteurs sont quant à eux intrigués par le grand nombre de traces de loups, plusieurs meutes, qui semblent aller ou partir de la montagne. Selon eux les loups sont des créatures hautement territoriales et un tel comportement est plus qu'étrange.

C'est une paire d'heures après le crépuscule, dans un campement fortifié par les hommes restés dans la clairière au cours de la journée, que le mystère semble s'épaissir encore, et prend une tournure sanglante. Un vieil homme sort de la forêt et se dresse à la limite de la zone éclairée par les feux de la troupe. Une discussion s'engage avec Sergeï et Niclaus. Ces derniers sont invités à quitter ces lieux où ils ne sont pas les bienvenus, le vieil homme parlant des « autres » qui seront bien moins disposés que lui à leur arrivée. Irrités par les propos incohérents et menaçants du voyageur, ils le font saisir par deux gardes et conduire auprès du feu où il continuera à éluder leurs questions et leur conseiller de fuir « leur » lieu de réunion. Il affirme connaître la maitresse des loups mais n'avoir rien à faire avec elle. Il sourit aux questions des deux hommes, et semble en savoir bien plus que ce qu'il accepte d'en dire. Alors que Niclaus se décide à employer la question sur celui qui semble clairement un ennemi de sa foi, un hurlement sans nom résonne dans la forêt puis se rapproche. C'est une créature atroce, digne des cauchemars d'un blasphémateur dément, qui apparaît à la lisière de la lumière. Immense, près de trois mètres, son torse hideux est déformé par une gigantesque gueule emplie de crocs. Quatre bras musculeux terminés par des griffes acérées en jaillissent selon des angles improbables. Un long museau empli de dents affûtées achève une grosse tête difforme. L'arrivée du démon, car pour les hommes apeurés il ne peut s'agir que d'une créature de l'enfer, coïncide avec le début d'une vieille légende roumaine fredonnée à voix basse par le vieil homme. Elle raconte la disparition d'un frère et d'une sœur dans une sombre forêt par une nuit sans lune.

Comprenant le lien entre la créature et le vieux fou, Sergeï et Niclaus le conduisent à la lisière de la ligne de soldats, menaçant de l'abattre si elle ne quitte pas les lieux. L'intimidation semble inefficace et le vieil homme qui disait se nommer Paul continua son histoire sans trembler, parvenant à la disparition des parents, partis à la recherche de leurs enfants malgré les conseils des anciens du village. Une volée de flèches, qui n'a pas plus d'effets que quelques piqûres de moustiques, ne modifie pas plus la situation, si ce n'est en attisant un vent de panique parmi les chasseurs. Une seconde créature sort alors des arbres, plus petite que la première et dotée de seulement deux bras, mais tout aussi monstrueuse. Le vieil homme parvient enfin à la fin de son récit malgré plusieurs coups d'épée de Sergeï qui semble incapable de le blesser. Le dernier estoc, en désespoir de cause, aurait du lui trancher la gorge et l'abattre mais il continua à fredonner, son horrible plaie se refermant au rythme de la disparition des chasseurs partis quérir la famille disparue malgré les conseils des anciens du village. Se défaisant sans difficulté des liens qui lui maintenaient les bras dans le dos, il rejoint la plus impressionnante des créatures, donnant une dernière chance aux malchanceux venus déranger les lieux de les quitter. Malheureusement les imprécations du prêtre appelant à détruire les démons et l'indécision de Sergeï poussèrent une dizaine de soldats menés par Janok à le rejoindre et à se préparer au combat tandis que le reste de la troupe se préparait à fuir. Sergeï et Niclaus reculèrent prudemment, entourés par quelques guerriers, et sur place personne ne resta assez longtemps pour voir la demi-douzaine de soldats se faire déchiqueter par les monstruosités mais leurs hurlements résonnèrent longtemps entre les arbres et dans la forêt. Niclaus se rappellera le lendemain qu'il s'agissait tous de fervents catholiques...

La fuite à travers la forêt les conduisit jusqu'aux pieds des montagnes de Făgăras, le long de nombreuses sentes creusées par les loups. La végétation changeait peu à peu, de moins en moins d'arbres bloquant les lignes de vue, un sol plus pauvre, plus caillouteux. Une grande anfractuosité dans la roche semblait la destination de toutes les pistes animales, et une forte odeur de fauve indiqua aux chasseurs qu'ils avaient atteint leur destination. Prêts à s'enfoncer avec quelques gardes dans les ténèbres, Sergeï et Niclaus sont arrêtés par Georgiu qui leur conseille de bâtir un grand bûcher à l'entrée de la grotte et d'enfumer les créatures de la nuit qui s'y reposent. A l'aide de buissons et de petits arbustes, les soldats obstruent l'entrée et y boutent feu, entretenant le brasier pendant de longues heures. De nombreux hurlements d'agonie résonnent pendant des heures et lorsque les hommes pénètrent enfin dans les profondeurs de la terre, ils découvrent de nombreux cadavres de loups, mais aucune trace de cette fameuse vieille femme qui guiderait leurs assauts. Leur mission accomplie, les hommes récupèrent chacun une belle peau afin de conserver un souvenir victorieux de ces étranges nuits. Malgré les pertes, le moral est bon lorsque la troupe reprend le chemin de Sibiu.

Hélas la nuit arrive vite, et avec elle un hurlement de loup puissant et sinistre qui semble résonner depuis la crevasse qu'ils ont quitté plus tôt dans la journée. Une zone de forêt un peu moins de touffue permet de dresser un campement pour la nuit, mais trop vite une créature rode aux alentours. L'attaque est soudaine et en quelques minutes plusieurs hommes sont blessés, sans que nul ne puisse discerner plus qu'un gigantesque loup noir. Ses hurlements résonnent bientôt dans toute la forêt, et la crainte des hommes semble s'exaucer quand de nombreux autres lui répondent. Sergeï et Niclaus organisent la défense du petit périmètre mais les assauts vicieux des loups alliés à l'obscurité et à l'hostilité de la forêt rendent leurs efforts vains. Peu à peu leurs lignes de défense se délitent , certains fuient ou se réfugient dans les arbres. Sergeï se bat comme un lion, mais acculé, il est finalement blessé. Les prières de Niclaus alliées à de solides coups de bâton ne lui épargnent pas le même sort. Tout semblait désormais perdu.

Une femme vêtue d'un grand manteau noir sorti de la noirceur des bois et pénétra le campement dévasté, le visage dissimulé par les ombres de sa capuche. Elle accusa le groupe de survivants d'être responsable de la mort de ses enfants et insista pour disposer d'un coupable. Choqué et blessé, le prêtre se désigna ou fut désigné [note du Conteur : je ne me souviens plus si c'est elle qui désigne le prêtre ou si ce dernier se « sacrifie » pour le groupe].

Intermède [Niclaus]: La maîtresse des loups entraîne le saint homme dans les profondeurs de la forêt où elle le questionne sur sa foi, interrogeant sa vision du monde et de l'Eglise. Il ne cessera de prier tout au long du monologue de la créature au visage ravagé.

« Dis-moi si ton Dieu Crucifié peut faire ça... » [elle se métamorphose en loup à la suite de sa question]

« Suis-je un démon ou suis-je maudit pour ressembler à cela mon père, moi qui n'ai jamais que protégé les miens lorsque j'étais en vie ? » [elle reprend sa forme humaine dévastée pour poser sa question]

« Les disciples de Rome ont brûlé ma maison et ma mère car elle ne voulait pas communier avec ces monstres. Dois-je te remercier et tendre l'autre joue désormais ? »

« Tu as survécu à cette nuit petit prêtre, et tu m'as impressionné comme jadis mon Sire fut impressionné par la jeune fille innocente et courageuse que j'étais. Je te laisse regagner ton village, qui sera désormais épargné par les miens. Demande moi à Hermannstadt, au Dulapuri derrière la place Dragoner. Appelle Marushka et je viendrais à toi. Va en paix, enfant. »

Hébété, Niclaus ne résiste pas lorsqu'elle déchire son poignet de ses crocs inhumains et laisse couler un filet de sang dans sa gorge. Étrangement, il se sent prit d'une intense affection pour cette femme courageuse abîmée par la vie et les événements. Alors qu'il tente de regagner le bien peu fiable abri composé par ses compagnons il sent sa blessure qui s’apaise, le sang cesse de s'en écouler et la chair déchirée cicatriser. Trop épuisé pour trouver une explication convaincante, il se met en quête de ses compagnons.

Pour les survivants le retour est compliqué par les blessures et la terreur encore présente dans les esprits. Finalement tous parviennent à rejoindre le village de Niclaus sans autre incident, nul ne comprenant réellement les tenants et les aboutissants de leur mission dans les bois. Sergeï découvre avec étonnement que Niclaus a survécu mais ce dernier refuse de lui parler et se cloître dans sa maison, priant pour le salut de son âme. Laissant les blessés aux bons soins des paysans, le chevalier décide de rejoindre Sibiu avec les hommes les plus vaillants, afin de rendre des comptes au seigneur Radoslav.

Sergeï est reçu par le sénéchal Stephan et le knezi Radoslav. Son rapport entraîne la colère de ce dernier qui s'en prend au sénéchal et à Sergeï. Il quitte la pièce en colère après s'être retenu de peu de frapper le sénéchal qui essaye de le ramener à la raison.

Intermède [Sergeï] : A la tombée de la nuit Sergeï est convoqué par le sénéchal qui le conduit auprès de Vladimir Rustovitch qui lui propose de rentrer à son service pour garder un œil sur la cité après son départ vers l'ouest et son domaine. Il lui propose de boire à une coupe préparée à son intention, et de prêter serment de fidélité au voïvode. Il reviendra à lui la nuit prochaine et lui demandera de confirmer son serment. S'il accepte il devra s'intégrer à la maisonnée du knezi et il accédera alors au destin qu'il attend depuis des années, la gloire, les honneurs, le pouvoir. Il deviendra le relais du Voïvode dans la cité, et veillera sur ses intérêts.

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Prélude: premiers pas dans la nuit

Automne 1192

Pour des raisons diverses, deux hommes que tout opposait, un vaillant chevalier de retour des croisades, bâtard d'une noble lignée, le vigoureux Sergeï Strochnis, et un prêtre orthodoxe des environs d'Hermannstadt la saxonne, le Père Niklaus, se retrouvèrent dans la capitale du knezat. Le premier, humilié par son père et ses demi-frères, rentrant désabusé et le cœur plein de colère et de rage d'une croisade qui n'avait sauvé ni son âme ni son avenir, était décidé à mettre son épée et sa vie au service du seigneur de la cité son épée et sa vie. Quelle ne fut pas sa surprise de se rendre compte que le sénéchal comme le knezi connaissaient ses origines. Pire, ce dernier était un Bessarab, comme lui... Le second voyait son village assailli depuis des années maintenant par des meutes de loups de plus en plus audacieuses. Des serfs étaient morts, les champs n'étaient plus cultivés, la misère la plus noire était à ses portes malgré ses prières. Une délégation d'anciens, menée par le bon patriarche, gagna Sibiu l'opulente pour demander audience et assistance à leur seigneur. 

Sergeï et Niclaus furent très étonnés d'attirer l'un et l'autre l'attention du sénéchal, Stephan, et d'être invités au festin offert par le knezi Radoslav Bessarab à ses hôtes, pour la plupart de puissants chevaliers et ecclésiastiques ou de riches marchands. Deux d'entre eux captivèrent particulièrement l'attention des deux hommes au milieu du décadent cortège : une jeune femme à la peau de nacre, vêtue d'une robe d'un noir de jais, sise à la droite du knezi, et un homme, taciturne et sardonique, quarantenaire aux riches parures quelque peu démodées. Une étrange conversation s'engaga alors entre Sergeï, Niclaus et les deux inconnus après que le sénéchal leur eut fait prendre place à leurs côtés. Sans comprendre certaines allusions, ni le comportement du knezi très déferrent envers ses hôtes et pourtant si autoritaire, ils devinèrent néanmoins qu'ils avaient mis les pieds dans un univers jusqu'à là dissimulé. Leurs frissons ne furent pas uniquement dus à l'atmosphère glaciale de cette froide nuit d'automne...

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