dimanche 7 avril 2013

Acte I: de la découverte des obscurs pouvoirs des ténèbres

Automne 1192

Intermède [Sergeï] : Sergeï fit un rêve étrange, à la netteté et aux détails troublants. Vêtu de sa cuirasse, arborant les armes de sa famille, avec à la main sa fidèle épée, il affrontait de nombreux ennemis, certains humains, d'autres d'obscures créatures du malin. Et ce fut contre une créature démoniaque d'une endurance et d'une force peu commune, alors qu'il avait mis un genou au sol et se préparait à succomber aux assauts de la Bête qu'il entendit une voix tonner dans le ciel étoilé et mettre un terme au combat : « lorsque une lame, même maniée par un épéiste hors-pair, n'est plus suffisante, rappelle toi que le pouvoir des mots, et notamment celui des noms, peut venir à bout de n'importe quel ennemi ». Personne n'apparut à la suite de ces paroles qui avaient repoussé le démon, mais un nom résonna longuement à son esprit avant son réveil...Vladimir Rustovitch...

Au petit matin des soldats mènent Sergeï et Niclaus dans la cour centrale dominée par le donjon. Avant qu'ils ne puissent faire connaissance avec la vingtaine de soldats et la douzaine de pisteurs et de chasseurs rassemblés, le knezi Radoslav Bessarab se présente et en quelques phrases ordonne à ses hommes d'obéir aux deux nouveaux venus, qui s'attirent ainsi une certaine inimitié du chevalier qui semblait diriger le groupe. Le départ, à pied, s'effectue après une courte prière collective menée par le prêtre orthodoxe, qui en profite pour rassembler ses ouailles qui suivront la troupe jusqu'à la forêt. Dès le départ, une tension est palpable entre les chasseurs, menés par le maître de la vénerie du knezat de Sibiu, Georgiu, et les soldats, menés par un dur szekler du nom de Janok. Sergeï parlant couramment l'allemand depuis la troisième croisade où il voyagea en compagnie des troupes de l'Empereur Frédéric Ier Barberousse. Ne laissant rien paraître il apprend rapidement que les chasseurs, roumains et orthodoxes ou païens, et les soldats, szeklers catholiques, se détestent cordialement et risquent d'en venir aux mains si leur chef respectif ne calme pas leur élan.

Sur une dernière bénédiction du prêtre les villageois regagnent leur clairière et leur demeure non loin de là. Lors de la première veillée, Sergeï sermonne Janok en allemand, s'attirant un certain respect du chevalier qui concède de laisser sa chance à Georgiu. Peu de temps avant l'aube, ils sont réveillés par les cris d'une sentinelle et le camp se met en branle en quelques instants. Les moqueries des hommes aux propos du garde qui jure avoir vu un gigantesque loup lui faire face dans la nuit sont tempérées par les traces découvertes par les chasseurs à quelques pas du lieu.  

Une première journée de battue s'organise alors, chaque homme à portée de voix du suivant tandis qu'une poignée de traqueurs prend de l'avance à la recherche de traces récentes ou de pistes. En fin de journée Niclaus se souvient d'une vieille histoire sur un temple abandonné dans cette partie de la forêt et propose d'essayer de le trouver, au moins pour passer la nuit en dehors de l'atmosphère étouffante des bois. Ils découvrent en effet un vieux temple dont il ne reste que quelques vestiges ensevelis sous les mauvaises herbes et les ronces qui occupe une clairière à plusieurs heures de marche de la lisière de la forêt. Étrangement de nombreuses sentes y mènent, et des traces incompréhensibles pour les chasseurs laissent à penser que les lieux sont souvent visités (certaines traces sont humaines, d'autres non mais ne peuvent être identifiées...). Fortifiant une petite partie de la zone à l'aide des murs effondrés, Sergeï et Niclaus décident de passer la nuit ici avant de se séparer en plusieurs groupes demain, les traces humaines intriguant le prêtre qui croit à l'organisation de rituels impies. Il organise une messe à laquelle participent quelques soldats catholiques et les chasseurs orthodoxes. Au matin, le chevalier Bessarab part donc vers le nord et la montagne avec la plupart des chasseurs pour découvrir où se terrent les loups tandis que Niclaus et quelques hommes suit la sente la plus récemment empruntée par des voyageurs. A quelques heures de la clairière ils découvrent un grand trou, à première vue creusée par une bête et auprès duquel les chasseurs aperçoivent des traces correspondant à celles des ruines. Intrigués, ils ne peuvent que rebrousser chemin pour regagner le vieux temple abandonné, craignant de se retrouver en pleine nuit dans la forêt. Sergeï et ses pisteurs sont quant à eux intrigués par le grand nombre de traces de loups, plusieurs meutes, qui semblent aller ou partir de la montagne. Selon eux les loups sont des créatures hautement territoriales et un tel comportement est plus qu'étrange.

C'est une paire d'heures après le crépuscule, dans un campement fortifié par les hommes restés dans la clairière au cours de la journée, que le mystère semble s'épaissir encore, et prend une tournure sanglante. Un vieil homme sort de la forêt et se dresse à la limite de la zone éclairée par les feux de la troupe. Une discussion s'engage avec Sergeï et Niclaus. Ces derniers sont invités à quitter ces lieux où ils ne sont pas les bienvenus, le vieil homme parlant des « autres » qui seront bien moins disposés que lui à leur arrivée. Irrités par les propos incohérents et menaçants du voyageur, ils le font saisir par deux gardes et conduire auprès du feu où il continuera à éluder leurs questions et leur conseiller de fuir « leur » lieu de réunion. Il affirme connaître la maitresse des loups mais n'avoir rien à faire avec elle. Il sourit aux questions des deux hommes, et semble en savoir bien plus que ce qu'il accepte d'en dire. Alors que Niclaus se décide à employer la question sur celui qui semble clairement un ennemi de sa foi, un hurlement sans nom résonne dans la forêt puis se rapproche. C'est une créature atroce, digne des cauchemars d'un blasphémateur dément, qui apparaît à la lisière de la lumière. Immense, près de trois mètres, son torse hideux est déformé par une gigantesque gueule emplie de crocs. Quatre bras musculeux terminés par des griffes acérées en jaillissent selon des angles improbables. Un long museau empli de dents affûtées achève une grosse tête difforme. L'arrivée du démon, car pour les hommes apeurés il ne peut s'agir que d'une créature de l'enfer, coïncide avec le début d'une vieille légende roumaine fredonnée à voix basse par le vieil homme. Elle raconte la disparition d'un frère et d'une sœur dans une sombre forêt par une nuit sans lune.

Comprenant le lien entre la créature et le vieux fou, Sergeï et Niclaus le conduisent à la lisière de la ligne de soldats, menaçant de l'abattre si elle ne quitte pas les lieux. L'intimidation semble inefficace et le vieil homme qui disait se nommer Paul continua son histoire sans trembler, parvenant à la disparition des parents, partis à la recherche de leurs enfants malgré les conseils des anciens du village. Une volée de flèches, qui n'a pas plus d'effets que quelques piqûres de moustiques, ne modifie pas plus la situation, si ce n'est en attisant un vent de panique parmi les chasseurs. Une seconde créature sort alors des arbres, plus petite que la première et dotée de seulement deux bras, mais tout aussi monstrueuse. Le vieil homme parvient enfin à la fin de son récit malgré plusieurs coups d'épée de Sergeï qui semble incapable de le blesser. Le dernier estoc, en désespoir de cause, aurait du lui trancher la gorge et l'abattre mais il continua à fredonner, son horrible plaie se refermant au rythme de la disparition des chasseurs partis quérir la famille disparue malgré les conseils des anciens du village. Se défaisant sans difficulté des liens qui lui maintenaient les bras dans le dos, il rejoint la plus impressionnante des créatures, donnant une dernière chance aux malchanceux venus déranger les lieux de les quitter. Malheureusement les imprécations du prêtre appelant à détruire les démons et l'indécision de Sergeï poussèrent une dizaine de soldats menés par Janok à le rejoindre et à se préparer au combat tandis que le reste de la troupe se préparait à fuir. Sergeï et Niclaus reculèrent prudemment, entourés par quelques guerriers, et sur place personne ne resta assez longtemps pour voir la demi-douzaine de soldats se faire déchiqueter par les monstruosités mais leurs hurlements résonnèrent longtemps entre les arbres et dans la forêt. Niclaus se rappellera le lendemain qu'il s'agissait tous de fervents catholiques...

La fuite à travers la forêt les conduisit jusqu'aux pieds des montagnes de Făgăras, le long de nombreuses sentes creusées par les loups. La végétation changeait peu à peu, de moins en moins d'arbres bloquant les lignes de vue, un sol plus pauvre, plus caillouteux. Une grande anfractuosité dans la roche semblait la destination de toutes les pistes animales, et une forte odeur de fauve indiqua aux chasseurs qu'ils avaient atteint leur destination. Prêts à s'enfoncer avec quelques gardes dans les ténèbres, Sergeï et Niclaus sont arrêtés par Georgiu qui leur conseille de bâtir un grand bûcher à l'entrée de la grotte et d'enfumer les créatures de la nuit qui s'y reposent. A l'aide de buissons et de petits arbustes, les soldats obstruent l'entrée et y boutent feu, entretenant le brasier pendant de longues heures. De nombreux hurlements d'agonie résonnent pendant des heures et lorsque les hommes pénètrent enfin dans les profondeurs de la terre, ils découvrent de nombreux cadavres de loups, mais aucune trace de cette fameuse vieille femme qui guiderait leurs assauts. Leur mission accomplie, les hommes récupèrent chacun une belle peau afin de conserver un souvenir victorieux de ces étranges nuits. Malgré les pertes, le moral est bon lorsque la troupe reprend le chemin de Sibiu.

Hélas la nuit arrive vite, et avec elle un hurlement de loup puissant et sinistre qui semble résonner depuis la crevasse qu'ils ont quitté plus tôt dans la journée. Une zone de forêt un peu moins de touffue permet de dresser un campement pour la nuit, mais trop vite une créature rode aux alentours. L'attaque est soudaine et en quelques minutes plusieurs hommes sont blessés, sans que nul ne puisse discerner plus qu'un gigantesque loup noir. Ses hurlements résonnent bientôt dans toute la forêt, et la crainte des hommes semble s'exaucer quand de nombreux autres lui répondent. Sergeï et Niclaus organisent la défense du petit périmètre mais les assauts vicieux des loups alliés à l'obscurité et à l'hostilité de la forêt rendent leurs efforts vains. Peu à peu leurs lignes de défense se délitent , certains fuient ou se réfugient dans les arbres. Sergeï se bat comme un lion, mais acculé, il est finalement blessé. Les prières de Niclaus alliées à de solides coups de bâton ne lui épargnent pas le même sort. Tout semblait désormais perdu.

Une femme vêtue d'un grand manteau noir sorti de la noirceur des bois et pénétra le campement dévasté, le visage dissimulé par les ombres de sa capuche. Elle accusa le groupe de survivants d'être responsable de la mort de ses enfants et insista pour disposer d'un coupable. Choqué et blessé, le prêtre se désigna ou fut désigné [note du Conteur : je ne me souviens plus si c'est elle qui désigne le prêtre ou si ce dernier se « sacrifie » pour le groupe].

Intermède [Niclaus]: La maîtresse des loups entraîne le saint homme dans les profondeurs de la forêt où elle le questionne sur sa foi, interrogeant sa vision du monde et de l'Eglise. Il ne cessera de prier tout au long du monologue de la créature au visage ravagé.

« Dis-moi si ton Dieu Crucifié peut faire ça... » [elle se métamorphose en loup à la suite de sa question]

« Suis-je un démon ou suis-je maudit pour ressembler à cela mon père, moi qui n'ai jamais que protégé les miens lorsque j'étais en vie ? » [elle reprend sa forme humaine dévastée pour poser sa question]

« Les disciples de Rome ont brûlé ma maison et ma mère car elle ne voulait pas communier avec ces monstres. Dois-je te remercier et tendre l'autre joue désormais ? »

« Tu as survécu à cette nuit petit prêtre, et tu m'as impressionné comme jadis mon Sire fut impressionné par la jeune fille innocente et courageuse que j'étais. Je te laisse regagner ton village, qui sera désormais épargné par les miens. Demande moi à Hermannstadt, au Dulapuri derrière la place Dragoner. Appelle Marushka et je viendrais à toi. Va en paix, enfant. »

Hébété, Niclaus ne résiste pas lorsqu'elle déchire son poignet de ses crocs inhumains et laisse couler un filet de sang dans sa gorge. Étrangement, il se sent prit d'une intense affection pour cette femme courageuse abîmée par la vie et les événements. Alors qu'il tente de regagner le bien peu fiable abri composé par ses compagnons il sent sa blessure qui s’apaise, le sang cesse de s'en écouler et la chair déchirée cicatriser. Trop épuisé pour trouver une explication convaincante, il se met en quête de ses compagnons.

Pour les survivants le retour est compliqué par les blessures et la terreur encore présente dans les esprits. Finalement tous parviennent à rejoindre le village de Niclaus sans autre incident, nul ne comprenant réellement les tenants et les aboutissants de leur mission dans les bois. Sergeï découvre avec étonnement que Niclaus a survécu mais ce dernier refuse de lui parler et se cloître dans sa maison, priant pour le salut de son âme. Laissant les blessés aux bons soins des paysans, le chevalier décide de rejoindre Sibiu avec les hommes les plus vaillants, afin de rendre des comptes au seigneur Radoslav.

Sergeï est reçu par le sénéchal Stephan et le knezi Radoslav. Son rapport entraîne la colère de ce dernier qui s'en prend au sénéchal et à Sergeï. Il quitte la pièce en colère après s'être retenu de peu de frapper le sénéchal qui essaye de le ramener à la raison.

Intermède [Sergeï] : A la tombée de la nuit Sergeï est convoqué par le sénéchal qui le conduit auprès de Vladimir Rustovitch qui lui propose de rentrer à son service pour garder un œil sur la cité après son départ vers l'ouest et son domaine. Il lui propose de boire à une coupe préparée à son intention, et de prêter serment de fidélité au voïvode. Il reviendra à lui la nuit prochaine et lui demandera de confirmer son serment. S'il accepte il devra s'intégrer à la maisonnée du knezi et il accédera alors au destin qu'il attend depuis des années, la gloire, les honneurs, le pouvoir. Il deviendra le relais du Voïvode dans la cité, et veillera sur ses intérêts.

La suite...

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