lundi 20 mai 2013

Une renaissance dans les ténèbres: le Père Niklaus

A la fin du printemps 1194

Durant de longues nuits le Père Niklaus fut initié aux secrets de la non-vie et de son Clan, découvrant les particularités des autres lignées comme les mythes et légendes entourant les Enfants de Caïn. Il suivit son enseignement sur les récits fondateurs du Clan et du mythique Caïn. Il devisa des mortels et d'influence sur le Bétail. Il en apprit plus sur les Voies, les secrets des Caïnites et la manière de retenir ou de guider la Bête pour protéger son âme de la damnation. Enfin, il fut considéré comme prêt.

Une noire nuit d'été

Au pied de la statue à la Vierge Lépreuse, il découvrit un court message l'invitant à suivre un des enfants de Marushka. Sortant de la chapelle, il fut guidé à travers les ténèbres par un grand loup noir comme le charbon, d'abord sur un étroit sentier puis à travers buissons et sous-bois touffus. Finalement ils rejoignirent une clairière où régulièrement il recevait les enseignements de sa maîtresse. Lorsqu'il parvint au centre de la trouée, le loup disparut en bondissant dans la forêt, le laissant seul sous la lumière de la Lune et des étoiles. Une voix sortie de l'obscurité le fit se retourner mais personne ne se trouvait avec lui. Il entendait cependant avec clarté les intonations de Marushka et crut tout d'abord à une nouvelle leçon.

Mais c'était autre chose désormais. Marushka le questionna sur ses actes passés, toujours invisible, essayant de le pousser à la faute ou du moins à dénaturer sa foi. Elle l'interrogea sur le meurtre du prêtre et le plaisir qu'il avait ressenti alors. Et elle le frappa, faisant couler son sang. Elle l'interrogea sur la mort miséricordieuse qu'il avait apporté aux deux suppliciés perdus dans le sombre temple et la puissance qui avait reposé en ses mains alors. Et elle le frappa, faisant couler son sang. Elle l'interrogea sur son avenir en tant que chasseur et en tant que tueur, le sommant d'accepter son destin. Et le frappa encore plus violemment, projetant son corps meurtri contre un arbre.

Avant qu'il ne puisse se redresser, elle se saisit de lui et le souleva, hurlant désormais ses questions tandis que son sang coulait toujours plus vite sur le sol humide. Elle cloua ses poignets au tronc, en une obscure parodie de la crucifixion du Christ, le poussant à abjurer et à renoncer à sa foi iconoclaste. Mais l'esprit du prêtre était fort, et sa résolution intacte malgré la douleur. Lorsque le capuchon de Marushka révéla son visage hideux qui s'approchait de lui, il l'accepta en souriant. Lorsqu'elle lui demanda une dernière fois s'il rejetait son destin, il lui murmura avec ses dernières forces qu'il l'acceptait de toute son âme. Alors sa gueule difforme s'abattit sur sa gorge. Et il sentit la vie le quitter.

Tous les bruits moururent en même temps que son corps, faisant place à un silence tellement suffocant qu'il finit par par noyer le bruit des derniers battements de son cœur. Puis, lorsque le cœur bat pour la dernière fois, fatale et terrible, la nuit l'envahit et le monde sombra littéralement dans les ténèbres. Pourtant il n'était pas seul. Des formes émergeaient autour de lui.

Sa famille, ses ouailles, tous ceux qu'il a jadis connu s'étaient rassemblés en une longue procession, pleurant des larmes de sang sur son destin et saluant son âme désormais maudite. Alors qu'il implorait le Seigneur de pardonner ses péchés et d'accepter s’apposer Sa miséricorde sur son front, un ange descendit du ciel parcouru par des tempêtes sanglantes. Son corps parcouru d'une céleste lumière apaisa la douleur et la peine de Niklaus et lorsque l'apparition tendit la main vers lui, les flammes purificatrices quittèrent le séraphin pour embraser le corps du prêtre. Et ce fut terminé.

Alors que le sang de son Père s'insinuait dans la moindre fibre de son corps, une brûlure démarra au creux de son estomac. Cette douleur ardente déchira le brouillard sanglant autour de lui et l'arracha aux Champs Élyséens. La sensation brûlante devint de plus en plus forte jusqu'à ce que la paix qui l'habitait soit réduite en pièces. Il devint conscient de son corps rigide, devenu froid, lourd comme le marbre et terriblement étranger. Plus terrifiant que tout fut la sensation que son âme était piégée dans ce corps mort. Et la Bête qui renforçait son emprise... Puis, alors que l’Étreinte atteignait sa conclusion effrayante, il poussa un hurlement silencieux, incapable de trouver l'air dans ses poumons morts et ses yeux s'ouvrirent de désespoir. La faible lumière de la nuit l'agressa et il prit conscience de sa faim éternelle, d'une soif désespérée de sang qui l'accompagnerait à jamais.

Il reprit conscience dans les bras de Marushka. Son était esprit violemment focalisé sur une obscure sensation. Se nourrir. Un voile rouge couvrait ses yeux, sa Bête contrôlait sa poitrine et rugissant il se jeta sur le poignet de sa Mère, se nourrissant pour la première fois, avec l'approbation silencieuse de la femme défigurée. Puis la douleur revint, d'une violence indescriptible, alors que son corps continuait de mourir, purgeant les déchets inutiles. Il vomit les fluides superflus en de rauques spasmes de mucosités et de biles. Au bout de plusieurs heures ce cette triste renaissance, il put se lever, titubant, écartant sa Mère sous la lueur de la Lune.

Sa peau avait prit une pâleur surnaturelle, renforçant la froide sainteté de son visage. Ses yeux brillaient d'une passion brute, prédatrice et séduisante, en contraste certain avec sa peau de marbre. Ses ongles avaient durcis, devenant transparents et tranchants tandis que ses gencives se rétractaient, dévoilant des canines acérées... Il regarda la nuit, et sentit les ombres vibrer, abysses sans fond où d'autres horreurs attendent patiemment. Le vent chuchota à son oreille, torturant Niklaus comme les pleurs d'une Banshee, soulignant son changement. Il vit la mort tout autour de lui. Animaux, végétaux ne semblaient plus solides ou substantiels, mais troubles, leurs vies fragiles, courtes et amères. Les plantes et fleurs lui parurent différentes dans la nuit, leurs couleurs chatoyantes réduites à des teintes de gris et de brun. Et pourtant il se souvenait. Il se souvenait du plaisir du soleil sur sa peau, de l'amour de sa famille et de la foi de ses fidèles, de la chaleur d'un feu de bois réchauffant son corps glacé en hiver. Et lorsque les souvenirs revinrent, la poids de la malédiction s'abattit sur lui. Il ouvrit les yeux sur la beauté réelle du monde qu'il venait de quitter, la malédiction de Caïn l'en bannissant à tout jamais.

Et il hurla de nouveau, tandis que son corps changeait à nouveau. Frappé par la Malédiction de Caïn, il subissait maintenant celle de son Clan, et tandis que ses os se brisaient et se remodelaient, sa peau se dévoyait sous ses yeux emplis de larmes de sang. Marushka le berçait lentement, lui chantant de vieilles chansons de son enfance pour apaiser son corps et son âme. Alors la forêt émergea de la plus longue nuit de son existence et sa Mère porta son corps brisé jusqu'à une grotte, entourée de ses loups, et lui permit de s'endormir contre elle.  

Quelques nuits plus tard...

La suivante, Marushka commença à lui enseigner ce qu'il devait connaître de sa nouvelle existence, lui apprenant à chasser et à se nourrir proprement, à se dissimuler avant l'aube et à taire sa non-vie aux mortels. Mais quelque chose était brisé entre eux, car il refusait de suivre la Voie de la Chasseresse. Compréhensive envers son infant, elle le conduisit à travers les froides contrées transylvaniennes jusqu'à Cracovie, capitale d'une Pologne divisée auprès d'un moine austère du Clan Cappadocien, Kazimiez le Silencieux. Sous la patronage du pâle religieux, il suivit un long apprentissage sur le dur chemin de la Voie des Cieux avant d'être prêt à regagner le monde des tentations malsaines.

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