A la fin du printemps
1194
Durant de longues nuits
le Père Niklaus fut initié aux secrets de la non-vie et de son
Clan, découvrant les particularités des autres lignées comme les
mythes et légendes entourant les Enfants de Caïn. Il suivit son
enseignement sur les récits fondateurs du Clan et du mythique Caïn.
Il devisa des mortels et d'influence sur le Bétail. Il en apprit
plus sur les Voies, les secrets des Caïnites et la manière de
retenir ou de guider la Bête pour protéger son âme de la
damnation. Enfin, il fut considéré comme prêt.
Une noire nuit d'été
Au pied de la statue à
la Vierge Lépreuse, il découvrit un court message l'invitant à
suivre un des enfants de Marushka. Sortant de la chapelle, il fut
guidé à travers les ténèbres par un grand loup noir comme le
charbon, d'abord sur un étroit sentier puis à travers buissons et
sous-bois touffus. Finalement ils rejoignirent une clairière où
régulièrement il recevait les enseignements de sa maîtresse.
Lorsqu'il parvint au centre de la trouée, le loup disparut en
bondissant dans la forêt, le laissant seul sous la lumière de la
Lune et des étoiles. Une voix sortie de l'obscurité le fit se
retourner mais personne ne se trouvait avec lui. Il entendait
cependant avec clarté les intonations de Marushka et crut tout
d'abord à une nouvelle leçon.
Mais c'était autre chose
désormais. Marushka le questionna sur ses actes passés, toujours
invisible, essayant de le pousser à la faute ou du moins à
dénaturer sa foi. Elle l'interrogea sur le meurtre du prêtre et le
plaisir qu'il avait ressenti alors. Et elle le frappa, faisant couler
son sang. Elle l'interrogea sur la mort miséricordieuse qu'il avait
apporté aux deux suppliciés perdus dans le sombre temple et la
puissance qui avait reposé en ses mains alors. Et elle le frappa,
faisant couler son sang. Elle l'interrogea sur son avenir en tant que
chasseur et en tant que tueur, le sommant d'accepter son destin. Et
le frappa encore plus violemment, projetant son corps meurtri contre
un arbre.
Avant qu'il ne puisse se
redresser, elle se saisit de lui et le souleva, hurlant désormais
ses questions tandis que son sang coulait toujours plus vite sur le
sol humide. Elle cloua ses poignets au tronc, en une obscure parodie
de la crucifixion du Christ, le poussant à abjurer et à renoncer à
sa foi iconoclaste. Mais l'esprit du prêtre était fort, et sa
résolution intacte malgré la douleur. Lorsque le capuchon de
Marushka révéla son visage hideux qui s'approchait de lui, il
l'accepta en souriant. Lorsqu'elle lui demanda une dernière fois
s'il rejetait son destin, il lui murmura avec ses dernières forces
qu'il l'acceptait de toute son âme. Alors sa gueule difforme
s'abattit sur sa gorge. Et il sentit la vie le quitter.
Tous les bruits moururent
en même temps que son corps, faisant place à un silence tellement
suffocant qu'il finit par par noyer le bruit des derniers battements
de son cœur. Puis, lorsque le cœur bat pour la dernière fois,
fatale et terrible, la nuit l'envahit et le monde sombra
littéralement dans les ténèbres. Pourtant il n'était pas seul.
Des formes émergeaient autour de lui.
Sa famille, ses ouailles,
tous ceux qu'il a jadis connu s'étaient rassemblés en une longue
procession, pleurant des larmes de sang sur son destin et saluant son
âme désormais maudite. Alors qu'il implorait le Seigneur de
pardonner ses péchés et d'accepter s’apposer Sa miséricorde sur
son front, un ange descendit du ciel parcouru par des tempêtes
sanglantes. Son corps parcouru d'une céleste lumière apaisa la
douleur et la peine de Niklaus et lorsque l'apparition tendit la main
vers lui, les flammes purificatrices quittèrent le séraphin pour
embraser le corps du prêtre. Et ce fut terminé.
Alors que le sang de son
Père s'insinuait dans la moindre fibre de son corps, une brûlure
démarra au creux de son estomac. Cette douleur ardente déchira le
brouillard sanglant autour de lui et l'arracha aux Champs Élyséens.
La sensation brûlante devint de plus en plus forte jusqu'à ce que
la paix qui l'habitait soit réduite en pièces. Il devint conscient
de son corps rigide, devenu froid, lourd comme le marbre et
terriblement étranger. Plus terrifiant que tout fut la sensation que
son âme était piégée dans ce corps mort. Et la Bête qui
renforçait son emprise... Puis, alors que l’Étreinte atteignait
sa conclusion effrayante, il poussa un hurlement silencieux,
incapable de trouver l'air dans ses poumons morts et ses yeux
s'ouvrirent de désespoir. La faible lumière de la nuit l'agressa et
il prit conscience de sa faim éternelle, d'une soif désespérée de
sang qui l'accompagnerait à jamais.
Il reprit conscience dans
les bras de Marushka. Son était esprit violemment focalisé sur une
obscure sensation. Se nourrir. Un voile rouge couvrait ses yeux, sa
Bête contrôlait sa poitrine et rugissant il se jeta sur le poignet
de sa Mère, se nourrissant pour la première fois, avec
l'approbation silencieuse de la femme défigurée. Puis la douleur
revint, d'une violence indescriptible, alors que son corps continuait
de mourir, purgeant les déchets inutiles. Il vomit les fluides
superflus en de rauques spasmes de mucosités et de biles. Au bout de
plusieurs heures ce cette triste renaissance, il put se lever,
titubant, écartant sa Mère sous la lueur de la Lune.
Sa peau avait prit une
pâleur surnaturelle, renforçant la froide sainteté de son
visage. Ses yeux brillaient d'une passion brute, prédatrice et
séduisante, en contraste certain avec sa peau de marbre. Ses ongles
avaient durcis, devenant transparents et tranchants tandis que ses
gencives se rétractaient, dévoilant des canines acérées... Il
regarda la nuit, et sentit les ombres vibrer, abysses sans fond où
d'autres horreurs attendent patiemment. Le vent chuchota à son
oreille, torturant Niklaus comme les pleurs d'une Banshee, soulignant
son changement. Il vit la mort tout autour de lui. Animaux, végétaux ne
semblaient plus solides ou substantiels, mais troubles, leurs vies
fragiles, courtes et amères. Les plantes et fleurs lui parurent
différentes dans la nuit, leurs couleurs chatoyantes réduites à
des teintes de gris et de brun. Et pourtant il se souvenait. Il se
souvenait du plaisir du soleil sur sa peau, de l'amour de sa famille et de la foi de ses fidèles, de la chaleur d'un feu de bois réchauffant son corps glacé en hiver. Et
lorsque les souvenirs revinrent, la poids de la malédiction
s'abattit sur lui. Il ouvrit les yeux sur la beauté réelle du monde
qu'il venait de quitter, la malédiction de Caïn l'en bannissant à
tout jamais.
Et il hurla de nouveau,
tandis que son corps changeait à nouveau. Frappé par la Malédiction
de Caïn, il subissait maintenant celle de son Clan, et tandis que
ses os se brisaient et se remodelaient, sa peau se dévoyait sous ses
yeux emplis de larmes de sang. Marushka le berçait lentement, lui
chantant de vieilles chansons de son enfance pour apaiser son corps
et son âme. Alors la forêt émergea de la plus longue nuit de
son existence et sa Mère porta son corps brisé jusqu'à une grotte,
entourée de ses loups, et lui permit de s'endormir contre elle.
Quelques nuits plus
tard...
La suivante, Marushka
commença à lui enseigner ce qu'il devait connaître de sa nouvelle
existence, lui apprenant à chasser et à se nourrir proprement, à
se dissimuler avant l'aube et à taire sa non-vie aux mortels. Mais
quelque chose était brisé entre eux, car il refusait de suivre la
Voie de la Chasseresse. Compréhensive envers son infant, elle le
conduisit à travers les froides contrées transylvaniennes jusqu'à
Cracovie, capitale d'une Pologne divisée auprès d'un moine austère
du Clan Cappadocien, Kazimiez le Silencieux. Sous la patronage du
pâle religieux, il suivit un long apprentissage sur le dur chemin de
la Voie des Cieux avant d'être prêt à regagner le monde des
tentations malsaines.
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