lundi 20 mai 2013

Une renaissance dans les ténèbres: Dmitri le chasseur

A la fin du printemps 1194

Durant de longues nuits Dmitri fut initié aux secrets de la non-vie et de son Clan, découvrant les particularités des autres lignées comme les mythes et légendes entourant les Enfants de Caïn. Il suivit l'enseignement de Mitru sur les récits fondateurs du Clan et du mythique Caïn. Il devisa des mortels et d'influence sur le Bétail. Il en apprit plus sur les Voies, les secrets des Caïnites et la manière de retenir ou de guider la Bête pour protéger son âme de la damnation. Enfin, il fut considéré comme prêt.

Une noire nuit d'été

Comme à son habitude, Mitru n’annonça pas sa venue et Dmitri sentit la présence de la créature de la nuit dans son dos alors qu'il tisonnait un petit feu de camp. Il s'attendit à une nouvelle leçon mais le puissant Gangrel restait silencieux, et le chasseur se tourna vers son Maître, interrogateur.

_Cette nuit est la dernière, Dmitri. Cette nuit je te chasserai comme tu n'as jamais été chassé. Tu peux utiliser toutes les ruses et tous les tours en ta possession pour m'échapper. Cache-toi. Cours. Combat-moi. Mais sache que si tu es en ma possession avant le lever du jour, je briserai ton corps et laisserai la Terre se repaître de ton sang. Car tu ne seras pas digne... Mais survis, et alors... Tu seras des nôtres... Maintenant va, car ton temps est venu !

Alors il courut. Il courut pour sauver sa vie, dissimulant ses traces de son mieux, couvrant sa peau de glaise pour masquer son odeur. Il fabriqua des pièges de bois et de pierre et réalisa de fausses pistes sur les territoires d'animaux prédateurs. Il s’immergea dans un ruisseau, seul son visage émergeant des roseaux, guettant le Chasseur. Il s'enterra profondément, tentant d'endormir son cœur pour escamoter ses battements aux sens bien trop aiguisés de Mitru. Il utilisa tous les artifices en sa possession, et découvrit bien de nouvelles astuces pour protéger sa vie dans une forêt hostile. Et il survécut. L'aube le trouva suspendu dans un arbre, armé de son seul couteau, épuisé mais prêt à se défendre chèrement. Il se laissa tomber au sol et sentant le soleil caresser son visage, il s'endormit en quelques instants le dos adossé au tronc massif.

Il se réveilla quelques heures avant le crépuscule et alluma quelques brindilles, observant les environs et ramassant quelques baies et racines pour se sustenter. La nuit ne tarda pas à tomber, et frissonnant il vit Mitru sortir du sol à quelques mètres de lui, son sourire carnassier luisant à la lueur de la Lune.

_Tu as réussi, Dmitri. Maintenant, es-tu prêt ?

Son seul regard répondit au puissant vampire qui se jeta sur lui, et l'immobilisa en quelques instants. Ses yeux rougeoyant accrochèrent ceux de Dmitri puis son corps se tendit et les crocs du Caïnite plongèrent dans sa gorge, aspirant le riche fluide vital. Ses yeux se fermèrent sur une impression de félicité inégalable.

Tous les bruits moururent en même temps que son corps, faisant place à un silence tellement suffocant qu'il finit par par noyer le bruit des derniers battements de son cœur. Puis, lorsque le cœur bat pour la dernière fois, fatale et terrible, la nuit l'envahit et le monde sombra littéralement dans les ténèbres. Pourtant il n'était pas seul. Des formes émergeaient autour de lui.

Il vit sa femme, tenant dans ses bras son fils et sa fille, sanglotant des larmes de sang en le dévisageant. Il vit Sigrid Arpad, implorant son pardon avant de s'embraser comme une bûche, hurlant de rage et de douleur. Il vit tous ceux qui avaient traversé sa vie, et lui rendait un dernier hommage dans sa mort, s'inclinant devant lui. Et soudain il ne fut plus.
Alors que le sang de son Père s'insinuait dans la moindre fibre de son corps, une brûlure démarra au creux de son estomac. Cette douleur ardente déchira le brouillard sanglant autour de lui et l'arracha aux Champs Élyséens. La sensation brûlante devint de plus en plus forte jusqu'à ce que la paix qui l'habitait soit réduite en pièces. Il devint conscient de son corps rigide, devenu froid, lourd comme le marbre et terriblement étranger. Plus terrifiant que tout fut la sensation que son âme était piégée dans ce corps mort. Et la Bête qui renforçait son emprise... Puis, alors que l’Étreinte atteignait sa conclusion effrayante, il poussa un hurlement silencieux, incapable de trouver l'air dans ses poumons morts et ses yeux s'ouvrirent de désespoir. La faible lumière de la nuit l'agressa et il prit conscience de sa faim éternelle, d'une soif désespérée de sang qui l'accompagnerait à jamais.

Il reprit conscience sous terre, de la glaise plein la bouche mais ne prit pas le temps de sa situation ou de la pression sur sa poitrine. Il rugit, ses griffes acérées jaillirent et il creusa comme un fou vers ce qu'il savait être la surface, la délivrance. Son esprit était rouge. Il hurlait sa soif de sang, sa soif de vivre. Se nourrir. Surgissant telle l'incarnation de la mort, couvert de boue, il huma l'air chaud de la nuit et ses sens aiguisés s'emparèrent d'une image. Deux hommes autour d'un feu de camp. Odeur de corps mal lavé. Crépitements d'une bûche dans le feu. Douce vibration de la forêt attentive autour de lui. Lueur orangée dans le ciel à une lieue. Goût acre de fumée dans la bouche. Ils étaient loin et des proies animales étaient proches mais il sentait presque le pouls des deux hommes... il imaginait déjà la saveur incomparable de leur sang... Il résista quelques instants mais le voile rouge couvrait ses yeux, sa Bête contrôlait sa poitrine et rugissant il se jeta à toute vitesse dans les buissons, courant tel le prédateur qu'il était devenu vers ses proies. Il jaillit des ténèbres toutes griffes dehors et l'un des hommes était mort avant que le second ne puisse qu'imaginer réagir. Se gorgeant de sang il arracha la tête du deuxième malheureux et reprit conscience peu à peu, sa soif s'apaisant. Il observa ses mains griffues couvertes de sang et se mit à pleurer. Puis la douleur revint, d'une violence indescriptible, alors que son corps continuait de mourir, purgeant les déchets inutiles. Il vomit les fluides superflus en de rauques spasmes de mucosités et de biles. Au bout de plusieurs heures ce cette triste renaissance, il fut rejoint par son Père sous la lueur de la Lune.

Sa peau avait prit une pâleur surnaturelle, renforçant la froide animalité de son visage. Ses yeux brillaient d'une passion brute, prédatrice et séduisante, en contraste certain avec sa peau de marbre. Ses ongles avaient durcis, devenant transparents et tranchants tandis que ses gencives se rétractaient, dévoilant des canines acérées... Il regarda la nuit, et sentit les ombres vibrer, abysses sans fond où d'autres horreurs attendent patiemment. Le vent chuchota à son oreille, torturant Sergeï comme les pleurs d'une Banshee, soulignant son changement. Il vit la mort tout autour de lui. Les animaux qui tremblaient autour du campement ne semblaient plus solides ou substantiels, mais troubles, leurs vies fragiles, courtes et amères. Les plantes et fleurs lui parurent différentes dans la nuit, leurs couleurs chatoyantes réduites à des teintes de gris et de brun. Et pourtant il se souvenait. Il se souvenait du plaisir du soleil sur sa peau, du rire de ses enfants, de la chaleur de sa femme dans sa couche. Et lorsque les souvenirs revinrent, la poids de la malédiction s'abattit sur lui. Il ouvrit les yeux sur la beauté réelle du monde qu'il venait de quitter, la malédiction de Caïn l'en bannissant à tout jamais.

Mitru l'observait. Silencieux. Impitoyable.

_Vient infant. Allons chasser. Tu as beaucoup à apprendre.

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